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Recensement des feuilles de la Carte topographique de la France au 1:25 000. Consultez ici les explications sur ce recensement.



Enquête sur la mention GPS


Quelques observations

Dans la typologie élaborée par Jean-Luc Arnaud, la mention compatible GPS indiquée sur la couverture des feuilles pliées est un critère fort de différenciation. Soit deux feuilles identiques : si l'une possède cette mention et l'autre non, il y a création de deux notices dans le recensement.

A partir des données déjà présentes dans l'inventaire, a été dessiné ce tableau de la première mention GPS selon les séries. Il peut encore évoluer selon les importations de lots et la découverte de nouvelles feuilles. Ce tableau ne signifie pas que toutes les feuilles d'une série possèdent cette mention GPS après la première date repérée. Bien au contraire, les séries 24, 25, 26, 34 et 35 contiennent indistinctement des mentions GPS ou non.

Compatible GPS fait référence au Global Positioning System (GPS) originellement connu sous le nom de Navstar GPS. C'est un système de positionnement par satellites appartenant au gouvernement fédéral des États-Unis. La suite sur Wikipedia.
Retenons que le système géodésique international WGS 84 est adopté en 1984 et que le déploiement complet de la constellation Navstar date de 1995.

Apparition de l'énigme

Il existe des feuilles compatible GPS avant 1995 et même avant 1984. La plus ancienne mention date de 1979.

A l'intérieur de ces feuilles, on observe un quadrillage bleu. Sur le côté gauche, en vertical, est indiqué : le quadrillage kilométrique UTM-WGS84 imprimé en bleu permet de se localiser sur la carte à partir d'une position donnée par un récepteur GPS.
Voyez ces informations sur la feuille de Provins datée de 1990 et disponible sur Cartomundi.



Une réflexion a eu lieu sur la signification de cette incohérence. En voici la synthèse. Merci à Julien Chadeyron (cartothèque de Clermont Auvergne) et Vincent Godard (enseignant de géographie à Paris 8) pour leurs essentielles contributions.

Le nouveau système géodésique français (RGF93) est adopté en 1993, approuvé légalement en 2000 et devient obligatoire en 2010. Pendant toutes ces années, il y a eu choix de la projection, formation des géomètres experts et mise en pratique sur le terrain.
La projection adaptée à ce nouveau système géodésique est le Lambert93. C'est une projection sur cône (orientée N-S) tandis que la projection associée au système géodésique mondial WGS84, l’UTM (Transverse universelle de Mercator) est sur cylindre horizontal. Le RGF93 et sa projection la plus connue Lambert93 ont été élaborés de manière à prendre en compte le système GPS apparu quelques années plus tôt (et les mesures spatiales qu’il rend possible). La définition de l’ellipsoïde à sa source (IAG GRS 80) est très proche et plus précise que celle du WGS84 (il y a eu une erreur d’arrondi au moment de sa définition et elle ne permet pas de positionnement précis en dessous du mètre – voir le manuel de Circé -, ce qui était insuffisant pour les applications géodésiques de l’IGN).
Julien Chadeyron observe qu'il faut attendre la série 37, soit 2012 pour que les feuilles soient véritablement en Lambert93.

Des réimpressions après 1995 ?

L'hypothèse de Vincent Godard est qu'entre 1995 et la mise en place définitive du RGF93, l'IGN s'est contenté d'imprimer un quadrillage bleu en surcharge sur les feuilles existantes. En effet, il était dispendieux et inutile de redessiner des cartes dans une nouvelle projection sans changer de chaîne de production pour alimenter deux séries différentes dont une ne durerait qu'un temps très bref. Grâce à cet ajout, l'utilisateur pouvait se localiser avec les coordonnées WGS84 et/ou UTM fournis par le système américain.

A la suite de cette hypothèse, on devine que l'IGN a réimprimé ses feuilles en vente en ajoutant le quadrillage bleu sans modifier la date de publication. En effet, ce tirage compatible GPS ne modifiait pas le contenu de la carte, tout en étant un argument de vente.
Deuxième déduction : cette réimpression a commencé après la mise en place du GPS américain, soit après 1995. Imprimer un quadrillage sans qu'existent les satellites permettant de se localiser n'aurait pas de sens.

Pour conforter cette date ultérieure à 1995, Julien Chadeyron cite l'article Ne cherchez plus l’édition n° 9 de la feuille Melun au 1:50 000, rédigé par Jean-Luc Arnaud pour la Géofeuille de 2015. Il y est mentionné « le remplacement du quadrillage Lambert par le quadrillage WGS84 » pour la série militaire, en 1995. On peut en déduire que la pression de l'Armée sur la modification des feuilles au 1:50 000 a entraîné celle des feuilles civiles au 1:50 000 et des feuilles au 1:25 000.

Peut-on être plus précis et déterminer à quelle date postérieure à 1995 ont commencé ces réimpressions compatible GPS ?

Julien Chadeyron a repéré la date de 1999 dans une présentation de la carte topographique de la France au 1:25 000 découverte sur le site de la cartothèque de Paris 8. « Depuis 1999, les feuilles sont compatible GPS selon la mention figurant sur la couverture » et il me demande d'où je tiens cette information. Mais voilà, je n'en ai pas souvenir (honte à moi).

Ce n'est pas dans La carte topographique française de 1887 à nos jours par Gérard Chappart et Nicolas Reynard. Non plus dans le Guide de lecture des cartes anciennes, Costa (L.), Robert (S.), 2009 où la date mentionnée est 1990 pour le quadrillage UTM (date erronée puisque antérieure à 1995). Cependant, en consultant la bibliographie de ce Guide, Julien Chadeyron repère des documents qui lui semblent intéressants et lance une demande PEB.

Profitons de cette pause dans notre enquête pour nous poser une question de bibliothécaire.

A quoi sert de connaître la date exacte des premières impressions du quadrillage compatible GPS ?

Le cartothécaire saisit les informations mentionnées sur la feuille : une date d'édition, une éventuelle mention de tirage, les mentions de titre, le numéro dans le tableau d'assemblage, la collection, etc. Il ne s'inquiète pas de la correspondance entre ces informations et le contenu de la carte. La mention compatible GPS est d'ailleurs souvent absente des notices du Sudoc.
Pour un géographe, la mention compatible GPS n'est pas une simple information bibliographique, elle porte un sens et ce sens est dévoyé quand une feuille de 1981 est présentée comme compatible avec un système de géopositionnement qui n'existe pas (ou plus exactement n'est disponible que pour les militaires américains). On aboutit à des raisonnements anachroniques. Il faut cependant garder à l'esprit que cette feuille compatible GPS de 1981 n'existait pas en 1981. Lorsqu'elle a été mise en vente, soit après 1995, elle était véritablement compatible GPS.

On constate à cette occasion que les délais de mise à jour des feuilles par l'IGN ne correspondent pas à ses obligations légales. Théoriquement, une feuille devrait être mise à jour environ tous les dix ans. En réalité, certaines feuilles ont été vendues sans aucun changement pendant une vingtaine d'années. Ceci explique que l’on trouve des feuilles tirées avec des mentions GPS alors que la date de copyright initiale remonte à 1979.

Par ailleurs, le contenu de la feuille n'étant pas modifié par ce quadrillage en surcharge, il n'y a pas ajout d'une mention de tirage ou de retirage. La feuille compatible GPS d'Entraygues-sur-Truyère publiée en 1984 semble avoir été imprimée en 1984 alors qu'elle a été l'objet d'une réimpression au moins dix ans plus tard.

Des indices subtils

Reprenons notre enquête grâce à l'ouvrage Trois siècles de cartographie en Ile-de-France / l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile-de-France, acheminé par le PEB. Cet ouvrage a été rédigé en partenariat avec l'IGN, en décembre 1997 pour le volume 1 et en janvier 1998 pour le volume 2.

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Or Julien Chadeyron remarque une publicité pour les TOP 25 avec une reproduction de la feuille Forêt de Montmorency 2313 OT, sans mention GPS.


Cette édition date de 1991. La deuxième édition de cette 2313 OT est datée de 1997 et possède la mention GPS. Elle n'est pas mentionnée dans la publicité car elle devait être en cours de fabrication. Elle aura été mise en vente plus tard.

Autre indice : les mentions GPS n'apparaissent pas dans le catalogue de cartes de l'IGN daté de 1998. Il faudrait consulter les suivants : avis à ceux qui les ont sous le coude.

On en déduit que la production des feuilles avec impression du quadrillage bleu et mention compatible GPS aurait commencé en 1997-1998. Toutes les feuilles compatible GPS datant d'avant 1997 seraient donc des retirages. Elles auraient été vendues jusqu'à l'envoi de géomètres sur le terrain et la mise au point d'une nouvelle édition.

En poursuivant sur l'exemple de la 2313 OT, on constate que la 3e édition date de 2002. Sur son scan, on observe qu'elle est compatible GPS mais que la projection est encore une NTF et non une Lambert93. Les 4e et 5e éditions ont été publiées, compatible GPS, en 2010 et 2019. Cette dernière est certainement en Lambert93.
Que la feuille soit dans le système géodésique français ou américain, la mention compatible GPS devient cohérente à partir des années 1997 : les coordonnées du quadrillage permettent la géolocalisation et les satellites sont en place.

En conclusion utile pour l'inventaire des feuilles au 1:25 000

Les feuilles compatible GPS possèdent toutes un quadrillage UTM bleu. Cette surcharge n'est pas présente dans les feuilles sans mention compatible GPS. Traiter ces feuilles en deux notices distinctes dans le recensement correspond donc à la réalité de deux feuilles d'aspect différent.

Les feuilles compatible GPS de 1979 (date la plus ancienne repérée pour l'instant) jusqu'aux années 1997-98-99 sont toutes des retirages sans que la mention de retirage n'apparaisse.

Les feuilles compatible GPS de 1997 à 2012 peuvent encore être des retirages.

A partir du changement de chaîne de production associé aux séries 37, 38 et 39, les feuilles sont toutes en Lambert93 et leur couverture intègre le nouveau logo avec une petite feuille verte adopté suite à la fusion de l’IGN et de l’Inventaire Forestier National en 2012. Ce sont de nouvelles éditions. L’emprise des cartes dans le tableau d’assemblage est modifié, même pour les cartes de la collection TOP 25 qui conservent pourtant leur ancienne numérotation, et les levés de terrain et le dessin des cartes sont réalisés directement dans la nouvelle projection.


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2022