Rencontre avec Claude Deneux, cartothèque de Paris Ouest
Quelle est votre formation ?
Je suis titulaire d’une licence d’enseignement d’histoire-géographie et d’une maîtrise de géographie rurale (diplômes obtenus à Nanterre, je suis donc du sérail !). Mon ambition était de passer les concours et d’entrer dans l’enseignement car j’aime transmettre mes connaissances, mes convictions : je suis une « communicante ». [...]
Comment et pourquoi avoir choisi le métier de cartothécaire ?
Mon arrivée à la cartothèque de Nanterre résulte d’une opportunité que j’ai pu saisir. J’avais repris une activité de « secrétaire scientifique » dans un labo de géographie à Paris X. Lorsque le poste de la bibliothèque-cartothèque s’est trouvé vacant (1993), les enseignants m’ont proposé la fonction en tant que contractuelle. J’ai pu passer un concours interne en 1995 et ai été titularisée en 1996, l’année de mes 50 ans. J’entame donc ma 19e année à la bibliothèque-cartothèque.
Je ne regrette absolument pas ce choix. Je me sens à ma place ici, utile et compétente auprès des étudiants grâce à ma formation initiale et à mon expérience d’enseignante : j’ai les réflexes et les connaissances nécessaires pour les guider au mieux dans leurs recherches, des plus basiques aux plus pointues.
Pouvez-vous nous présenter vos collections cartographiques ?
Rappelons que je gère une bibliothèque et une cartothèque. [...]
La cartothèque est un service unique sur le campus, puisque la BU, qui à l’ouverture de l’Université (1964-65) avait constitué un petit fonds pédagogique, a fait don de ce fonds à la bibliothèque de département, et ne s’est plus intéressée à ce volet de la documentation. Le fonds est vieilli et éclectique, constitué à 80 % de cartes françaises. [...]
Une politique documentaire est difficile à établir. Si on se préoccupe, comme les enseignants, de matériel pédagogique, il faut acheter des paquets importants pour les TD ou les partiels (20 environ). Si, comme moi, on se préoccupe de matériel documentaire, combler des lacunes, avoir une couverture plus complète, avoir une meilleure actualisation – c’est le « côté collectionneur » – on peut acheter 3 ou 4 exemplaires, quitte, si les cartes se révèlent intéressantes, à acheter d’autres exemplaires l’année suivante.
Quel est votre budget et a-t-il évolué ?
Depuis mon arrivée le budget a baissé d’années en années. J’ai eu jusqu’à 60 000 F (soit un peu plus de 9 000 €). En 2011, il est de 3 700 €, pour toutes les acquisitions (monographies, périodiques, cartes et petit matériel, dont le filmolux). [...]
Quels changements avez-vous observés depuis 20 ans ?
Le changement le plus spectaculaire est la chute des effectifs étudiants, les explications sont multiples.
Les débouchés des études de géographie ont longtemps été l’enseignement, la préparation aux concours, notre spécialité, et le succès des étudiants, notre vitrine. La diminution des postes offerts, et tout récemment la réforme du CAPES, ont joué contre nous. [...]
L’origine socioculturelle des étudiants a aussi beaucoup évolué, tous les enseignants n’ont pas accompagné ce fait dans leur comportement et leur enseignement. [...]
En revanche, est apparue la professionnalisation des études supérieures, Licences Pro, Masters Pro dans le domaine de l’aménagement, du tourisme …formations pluridisciplinaires offrant des débouchés nouveaux et puisant dans un réservoir d’étudiants autre que celui des jeunes bacheliers. Certains enseignants se sont beaucoup impliqués dans le montage de ces diplômes, d’autres estiment qu’ils dérogent à l’intellectualisme de l’enseignement supérieur d’antan. [...]
Enfin, un autre changement spectaculaire tient à la géographie elle-même. La géographie physique, reine de la discipline, il y a quelques décennies, a considérablement décliné, presque disparu. Elle a encore quelques heures de gloire par le biais de l’étude des risques naturels et des questions environnementales. Pour l’usage des cartes de la cartothèque, nous sommes loin des 8 à 10 paquets de cartes empruntés à longueur de journées et de semaines ! Les grands types de reliefs n’intéressent plus personne.
La géographie s’affirme en tant que science sociale : la société ne se lit pas sur les cartes IGN ! La justice spatiale, les flux, les réseaux ne sont pas cartographiés aux échelles des cartes IGN. Seules les cartes des villes suscitent encore un intérêt. [...]
Les étudiants ne travaillent plus de la même manière, internet a apporté une concurrence ! Les étudiants viennent moins nombreux travailler à la BUFR-Cartothèque. [...]
La cartothèque continue d’accueillir des étudiants, non géographes, qui viennent consulter des cartes pour leurs loisirs (préparations d’excursions) ou des chercheurs qui tentent de localiser des itinéraires évoqués dans des romans.
Les catalogues collectifs ont pris une grande importance et permettent de signaler les collections à un large public. Si on dessert le lointain, cela ne compense pas la perte des relations de proximité.
Quel aspect du métier vous a le plus intéressée ?
Indéniablement, ce qui est le plus intéressant c’est la communication avec le public sur le sujet qui nous est commun : la géographie. Les personnes qui viennent sont demandeurs d’informations, de conseils, d’aide. Il n’y a pas – ou très peu - de rapports d’autorité, à la différence de ce qui se produit dans l’enseignement où il faut imposer sa parole à un public qui n’est pas toujours demandeur...
J'aime aussi le travail lié aux acquisitions. Utiliser au mieux le budget disponible, faire des choix, prendre des décisions en concertation avec les enseignants. J’ai déjà évoqué le côté collectionneur...
Quelles sont les principales difficultés du métier de cartothécaire ?
Il n’y a pas vraiment de difficultés spécifiques liées à la cartothèque.
Il y a quelquefois des difficultés relationnelles avec les enseignants qui ne respectent pas les règles de la vie collective [...]
Les relations avec la BU sont devenues difficiles depuis quelques années, alors qu’elles avaient été excellentes.
Bien que m’étant formée à l’usage de l’informatique pour le traitement de texte, lorsque j’ai travaillé en tant que secrétaire, l’informatique reste pour moi un outil que j’ai du mal à maîtriser, question de génération très certainement !
Votre plus beau projet ?
Mon plus beau projet – et sa réalisation - est indéniablement la plastification des cartes.
A mon arrivée à la cartothèque, les cartes étaient dans un état pitoyable, mal classées, usées, déchirées, tachées …. Après un inventaire descriptif systématique, j'ai obtenu, avec l’aide de la BU à l’époque, dans le cadre d’un contrat quadriennal (1997-2000), un crédit de 260 000 F pour sauver la cartothèque. [...]
En 7 ans, 15 000 cartes (sur les 35 000 cartes du fonds) ont été plastifiées. [...]
Globalement, le résultat est positif, quelques couleurs ont bavé, quelques cartes ont mal vieilli. Ce travail, long et méticuleux, a permis de sauver le fonds et les critiques (cartes glissantes, lourdes, impossibles à plier) restent anecdotiques.
C’était un beau projet, parce qu'au delà de la sauvegarde du fonds, il a permis une réelle coopération avec des acteurs nombreux et impliqués : la BU, le ministère (nous avons eu la visite d'un inspecteur), les étudiants (certains ont aidé bénévolement à préparer les cartes), une collègue. Ce travail collectif a créé une ambiance conviviale et les enseignants qui avaient connu la situation précédente ont été reconnaissants du travail effectué. Avec le temps la gloire se ternit, pour les nouveaux enseignants, la cartothèque est ce qu'elle doit être : un fonds inventorié, classé, accessible : une situation normale … Les protagonistes ayant changé, la cartothèque ne suscite plus d’intérêt à la BU.
Quelles perspectives pour les cartothèques ?
L'avenir des cartothèques me parait incertain. Je crains qu’elles ne deviennent principalement des lieux de conservation pour des consultations occasionnelles. La mise en place des réseaux documentaires devrait les ouvrir sur une nouvelle vie en signalant largement les fonds. Le travail de saisie dans le SUDOC me semble très contraignant et finalement moins intéressant que le projet CartoMundi. [...]
Que vous apporte l'existence de GéoRéseau ?
GéoRéseau est bon pour le moral ! C’est encourageant, et consolant, de savoir que d'autres pratiquent le même métier et rencontrent les mêmes difficultés de gestion. Le réseau permet des échanges d'idées pratiques, d'adresses de fournisseurs, d'informations en tout genre. C'est enrichissant et rassurant. [...]
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Automne 2011
Quelle est votre formation ?
Je suis titulaire d’une licence d’enseignement d’histoire-géographie et d’une maîtrise de géographie rurale (diplômes obtenus à Nanterre, je suis donc du sérail !). Mon ambition était de passer les concours et d’entrer dans l’enseignement car j’aime transmettre mes connaissances, mes convictions : je suis une « communicante ». [...]
Comment et pourquoi avoir choisi le métier de cartothécaire ?
Mon arrivée à la cartothèque de Nanterre résulte d’une opportunité que j’ai pu saisir. J’avais repris une activité de « secrétaire scientifique » dans un labo de géographie à Paris X. Lorsque le poste de la bibliothèque-cartothèque s’est trouvé vacant (1993), les enseignants m’ont proposé la fonction en tant que contractuelle. J’ai pu passer un concours interne en 1995 et ai été titularisée en 1996, l’année de mes 50 ans. J’entame donc ma 19e année à la bibliothèque-cartothèque.
Je ne regrette absolument pas ce choix. Je me sens à ma place ici, utile et compétente auprès des étudiants grâce à ma formation initiale et à mon expérience d’enseignante : j’ai les réflexes et les connaissances nécessaires pour les guider au mieux dans leurs recherches, des plus basiques aux plus pointues.
Pouvez-vous nous présenter vos collections cartographiques ?
Rappelons que je gère une bibliothèque et une cartothèque. [...]
La cartothèque est un service unique sur le campus, puisque la BU, qui à l’ouverture de l’Université (1964-65) avait constitué un petit fonds pédagogique, a fait don de ce fonds à la bibliothèque de département, et ne s’est plus intéressée à ce volet de la documentation. Le fonds est vieilli et éclectique, constitué à 80 % de cartes françaises. [...]
Une politique documentaire est difficile à établir. Si on se préoccupe, comme les enseignants, de matériel pédagogique, il faut acheter des paquets importants pour les TD ou les partiels (20 environ). Si, comme moi, on se préoccupe de matériel documentaire, combler des lacunes, avoir une couverture plus complète, avoir une meilleure actualisation – c’est le « côté collectionneur » – on peut acheter 3 ou 4 exemplaires, quitte, si les cartes se révèlent intéressantes, à acheter d’autres exemplaires l’année suivante.
Quel est votre budget et a-t-il évolué ?
Depuis mon arrivée le budget a baissé d’années en années. J’ai eu jusqu’à 60 000 F (soit un peu plus de 9 000 €). En 2011, il est de 3 700 €, pour toutes les acquisitions (monographies, périodiques, cartes et petit matériel, dont le filmolux). [...]
Quels changements avez-vous observés depuis 20 ans ?
Le changement le plus spectaculaire est la chute des effectifs étudiants, les explications sont multiples.
Les débouchés des études de géographie ont longtemps été l’enseignement, la préparation aux concours, notre spécialité, et le succès des étudiants, notre vitrine. La diminution des postes offerts, et tout récemment la réforme du CAPES, ont joué contre nous. [...]
L’origine socioculturelle des étudiants a aussi beaucoup évolué, tous les enseignants n’ont pas accompagné ce fait dans leur comportement et leur enseignement. [...]
En revanche, est apparue la professionnalisation des études supérieures, Licences Pro, Masters Pro dans le domaine de l’aménagement, du tourisme …formations pluridisciplinaires offrant des débouchés nouveaux et puisant dans un réservoir d’étudiants autre que celui des jeunes bacheliers. Certains enseignants se sont beaucoup impliqués dans le montage de ces diplômes, d’autres estiment qu’ils dérogent à l’intellectualisme de l’enseignement supérieur d’antan. [...]
Enfin, un autre changement spectaculaire tient à la géographie elle-même. La géographie physique, reine de la discipline, il y a quelques décennies, a considérablement décliné, presque disparu. Elle a encore quelques heures de gloire par le biais de l’étude des risques naturels et des questions environnementales. Pour l’usage des cartes de la cartothèque, nous sommes loin des 8 à 10 paquets de cartes empruntés à longueur de journées et de semaines ! Les grands types de reliefs n’intéressent plus personne.
La géographie s’affirme en tant que science sociale : la société ne se lit pas sur les cartes IGN ! La justice spatiale, les flux, les réseaux ne sont pas cartographiés aux échelles des cartes IGN. Seules les cartes des villes suscitent encore un intérêt. [...]
Les étudiants ne travaillent plus de la même manière, internet a apporté une concurrence ! Les étudiants viennent moins nombreux travailler à la BUFR-Cartothèque. [...]
La cartothèque continue d’accueillir des étudiants, non géographes, qui viennent consulter des cartes pour leurs loisirs (préparations d’excursions) ou des chercheurs qui tentent de localiser des itinéraires évoqués dans des romans.
Les catalogues collectifs ont pris une grande importance et permettent de signaler les collections à un large public. Si on dessert le lointain, cela ne compense pas la perte des relations de proximité.
Quel aspect du métier vous a le plus intéressée ?
Indéniablement, ce qui est le plus intéressant c’est la communication avec le public sur le sujet qui nous est commun : la géographie. Les personnes qui viennent sont demandeurs d’informations, de conseils, d’aide. Il n’y a pas – ou très peu - de rapports d’autorité, à la différence de ce qui se produit dans l’enseignement où il faut imposer sa parole à un public qui n’est pas toujours demandeur...
J'aime aussi le travail lié aux acquisitions. Utiliser au mieux le budget disponible, faire des choix, prendre des décisions en concertation avec les enseignants. J’ai déjà évoqué le côté collectionneur...
Quelles sont les principales difficultés du métier de cartothécaire ?
Il n’y a pas vraiment de difficultés spécifiques liées à la cartothèque.
Il y a quelquefois des difficultés relationnelles avec les enseignants qui ne respectent pas les règles de la vie collective [...]
Les relations avec la BU sont devenues difficiles depuis quelques années, alors qu’elles avaient été excellentes.
Bien que m’étant formée à l’usage de l’informatique pour le traitement de texte, lorsque j’ai travaillé en tant que secrétaire, l’informatique reste pour moi un outil que j’ai du mal à maîtriser, question de génération très certainement !
Votre plus beau projet ?
Mon plus beau projet – et sa réalisation - est indéniablement la plastification des cartes.
A mon arrivée à la cartothèque, les cartes étaient dans un état pitoyable, mal classées, usées, déchirées, tachées …. Après un inventaire descriptif systématique, j'ai obtenu, avec l’aide de la BU à l’époque, dans le cadre d’un contrat quadriennal (1997-2000), un crédit de 260 000 F pour sauver la cartothèque. [...]
En 7 ans, 15 000 cartes (sur les 35 000 cartes du fonds) ont été plastifiées. [...]
Globalement, le résultat est positif, quelques couleurs ont bavé, quelques cartes ont mal vieilli. Ce travail, long et méticuleux, a permis de sauver le fonds et les critiques (cartes glissantes, lourdes, impossibles à plier) restent anecdotiques.
C’était un beau projet, parce qu'au delà de la sauvegarde du fonds, il a permis une réelle coopération avec des acteurs nombreux et impliqués : la BU, le ministère (nous avons eu la visite d'un inspecteur), les étudiants (certains ont aidé bénévolement à préparer les cartes), une collègue. Ce travail collectif a créé une ambiance conviviale et les enseignants qui avaient connu la situation précédente ont été reconnaissants du travail effectué. Avec le temps la gloire se ternit, pour les nouveaux enseignants, la cartothèque est ce qu'elle doit être : un fonds inventorié, classé, accessible : une situation normale … Les protagonistes ayant changé, la cartothèque ne suscite plus d’intérêt à la BU.
Quelles perspectives pour les cartothèques ?
L'avenir des cartothèques me parait incertain. Je crains qu’elles ne deviennent principalement des lieux de conservation pour des consultations occasionnelles. La mise en place des réseaux documentaires devrait les ouvrir sur une nouvelle vie en signalant largement les fonds. Le travail de saisie dans le SUDOC me semble très contraignant et finalement moins intéressant que le projet CartoMundi. [...]
Que vous apporte l'existence de GéoRéseau ?
GéoRéseau est bon pour le moral ! C’est encourageant, et consolant, de savoir que d'autres pratiquent le même métier et rencontrent les mêmes difficultés de gestion. Le réseau permet des échanges d'idées pratiques, d'adresses de fournisseurs, d'informations en tout genre. C'est enrichissant et rassurant. [...]
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Automne 2011