Carte sur laquelle rêver dans les Trésors des cartothèques, carte dématérialisée et mouvante des mondes virtuels, carte pédagogique en perte de lecteurs dans nos universités, carte érudite et encore énigmatique, elles n'en finissent pas d'échapper à tous nos classements pour demeurer ce qu'elles sont, des reflets.

Reflets de temps, reflets d’espaces que l'homme cherche à objectiver en traits, couleurs et toponymes. Mais la carte à peine achevée, espace et temps sont déjà autres et la coïncidence n'est plus. Restent le reflet, le témoignage de territoires disparus, d'époques oubliées, le nôtre, la nôtre demain.

Borges rêvait d'une carte à l'échelle topographique 1 sur 1 liant le territoire et sa représentation. Internet n'offre-t-il pas le rêve d'une carte à l'échelle temporelle 1 sur 1, d'une carte de l'immédiat, ajustable au plus près de la réalité afin de réduire à presque rien la distance entre l'homme et ce qu'il désire maîtriser ?

Les cartothécaires que nous sommes observons les mutations de la carte avec perplexité. Tout aussi ingérables que les encombrantes et impossibles cartes à l'échelle 1 sur 1 seraient des cartes numériques fluctuant d'un instant T à l'instant T suivant. Comment les appréhender, les référencer, les conserver ? La tentation est grande de leur tourner le dos pour en revenir aux cartes papier. Cartothécaires, nous savons les gérer, nous maîtrisons les méthodes, les normes et les classements.

Au risque de faire de la carte papier le reflet et le témoignage d'un métier en déclin ?

La carte est un territoire à explorer et à rêver. A nous de tracer nos propres cartes, de chercher notre voie entre virtuel et papier, entre simultanéité et passé, entre habitudes et création sans oublier qu'imprimé, le virtuel devient papier, que la simultanéité laisse derrière elle un pointillé de temps, et que l'habitude a d'abord été une création.