Journal de la Carto - Juin 2018
Mapathon

Thomas Maillard, enseignant au sein du département de géographie de Paris 8, a organisé le 7 février 2018 un mapathon dans les murs de l’université Paris 8 et dans le cadre d’un enseignement de licence (en collaboration avec l’université populaire de Saint-Denis – la Dionyversité). Il nous explique en quoi consiste cet événement, revient sur son déroulement et nous parle d’OpenStreetMap, vaste entreprise de cartographie collaborative du monde dans lequel s’insèrent les mapathons.

Pour commencer, peux-tu nous expliquer ce qu'est OpenStreetMap (OSM) ?

À l’origine, c’est un randonneur anglais qui a créé OpenStreetMap. Il connaissait une multitude de petits chemins de randonnée dans sa région et souhaitait les partager avec d’autres randonneurs. Il a donc inventé une application web pour cartographier et diffuser ses itinéraires. C’est devenu une carte topographique mondiale, un peu comme Google Maps, sauf qu’elle est open source (libre et ouverte). Les données sont sous licence Creative Commons, elles peuvent être visionnées, enrichies, réutilisées gratuitement et appartiennent à tout le monde. Certains l’appellent le Wikipédia de la cartographie. OpenStreetMap s’est vraiment développé depuis 2006 et il y a aujourd’hui près de 8 millions de contributeurs dans le monde. Chaque jour, environ 300 personnes sont connectées et cartographient des portions de la planète. À partir de 2010, un projet appelé « missing maps » (les cartes qui manquent) recense les zones non cartographiées sur OSM et organise des ateliers bénévoles pour les remplir.
Ce que je trouve intéressant avec ce projet, c’est qu’il remet en question un lieu commun de la géographie et des cours de cartographie : le monde serait entièrement cartographié. On nous dit souvent en première année de géographie à l’université : « le monde a été cartographié progressivement depuis la renaissance et puis aujourd’hui tout a été cartographié, le monde entier a été approprié et l’écoumène n’a plus de limites ». On se rend compte qu’en fait il y a énormément de zones grises dans cette cartographie mondiale ou de zone qui ne sont pas mises à jour. En faisant ce cours-là, on peut faire toucher aux étudiants ce qu’a pu être l’une des origines de la géographie : la cartographie exhaustive du monde. Les étudiants s’inscrivent directement dans les pas des Cassini ou de Claude Ptolémée, à savoir cartographier concrètement le monde.

Dans des pays de ce que l’on appelait autrefois le Tiers-Monde, il y a énormément de zones grises. Depuis la décolonisation, les services de cartographie sont souvent peu efficaces et parfois même inexistants. En France aussi, il y a des zones grises, des choses temporaires ou pérennes qui ne sont pas représentées par l’IGN. On manque énormément de cartes et la seule carte aujourd’hui qui est à peu près à jour, c’est OpenStreetMap.

OSM est une base de données topographique ouverte et libre, construite collectivement par des bénévoles du monde entier, avec des procédures de validation et de contrôle de la qualité. On peut y archiver nos propres cartes topographiques et les offrir à tout le monde. On peut aussi télécharger les différentes données d’OSM pour nos propres travaux. Comme c’est Open Source, ça sert de support pour de nombreux projets d’intérêt général. Par exemple, il y a des applications qui permettent à chacun de s’informer et de renseigner l’accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées moteurs comme wheelmap. Ils utilisent les données d’OSM. Claude Ptolémée n’aurait jamais pu imaginer ça il y a 2000 ans !
Suite de l'article
Cartothèque de l'Université Paris 8