Journal de la Carto - Septembre-Octobre 2016
La lecture classique étant en voie d'être pulvérisée par le numérique, il est temps de s'adapter. Rechigner, maugréer sur le bon vieux livre papier, s'attrister sur la perte de connaissance de soi ? Inutilement nostalgique.

Il est déjà d'usage de donner à lire aux étudiants des chapitres de livres ou mieux, des photocopies de chapitres pour leur éviter le traumatisme de voir, pire toucher, ces livres sans clic, sans bruit, sans vie entassés sur les rayonnages (ou de le raviver pour soi). Mais remarquons que cette solution n'en est pas une. L'auteur ferait mieux de rédiger un livre réduit à deux ou trois chapitres ; il y gagnerait du temps de clic.

Ce texte condensé ne serait plus imprimé mais mis en ligne dans un environnement contrôlé : des liens constructifs pour aider à la compréhension (autres textes, illustrations, vidéos choisis pour leur pertinence), peu de publicité, des questions pour tester la progression de l'étudiant, le tout saupoudré d'encouragements réguliers.

Evidemment, on s'aperçoit vite que cette nouvelle forme de lecture a tout du cours en ligne (MOOC). Or à quoi servent des enseignants en chair et en os dans un enseignement virtuel ?
Plus généralement : à quoi servent les corps intermédiaires (et pas seulement les bibliothècaires et les enseignants) dans cet environnement qui met en contact direct et instantané l'individu et ce qu'il convoite ?

L'internaute constitue ni plus ni moins la figure la plus avancée de l'individu pur de notre monde, de l'individu sans appartenance et hors médiation, doté d'un accès universel à toutes les sources d'information et de la capacité opératoire de toucher le monde entier par ses productions intellectuelles, sans intermédiaires. Internet, en ce sens, c'est le média absolu, la médiation qui abolit toutes les autres médiations, ou plus exactement qui les rend inutiles. Marcel Gauchet, historien et philosophe



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Cartothèque de l'Université Paris 8