Journal de la Carto - Septembre-Octobre 2016
Lecture-écran pour homme-machine

Je dois faire face à ce que mes collègues et moi considérons comme une crise fondamentale du « savoir-lire ». A la sortie du lycée, les jeunes ne possèdent pas le degré de compréhension et d'analyse du texte correspondant à un niveau universitaire. Les étudiants ne sont capables qu'à grand-peine de faire leurs travaux écrits, ou de lire des textes imposés. Une professeur de littérature de premier cycle universitaire

Ces étudiants sont des natifs du numérique et ne lisent plus que sur écran.
Vous pensez que le livre sur écran est la version numérique d'un livre papier ? Alors vous vivez encore au XXe siècle. L'écran induit son propre mode de fonctionnement et transforme radicalement l'acte de lecture.

Cédric Biagini détaille ces transformations aux pages 215 à 238 de L'assassinat des livres
par ceux qui œuvrent à la dématérialisation du monde
.
Eds. L'Echappée, 2015

Les promoteurs du livre sur écran ont vite compris les possibilités offertes par la numérisation. Métamorphosé en pixels, petit tas d'octets se propageant à la vitesse de la lumière, le texte d'un auteur s'agrémente de liens hypertextes, vidéos, définitions, illustrations etc.

C. Biagini pose la question : quelle différence avec un site web ? De moins en moins : texte, vidéo et son, tout y est.
Dans le livre papier, vos yeux suivent plus ou moins vite les lignes et paragraphes. La lecture est dite continue et nécessite une attention soutenue. Sur l'écran, l'œil saute partout, le cerveau est distrait et le doigt a déjà cliqué sur un nouveau lien. Il n'y a plus d'intimité avec la pensée construite par l'auteur mais un vaste jeu de saute-moutons sans aucun lien logique. Essayez donc de remonter d'où vous êtes parti. Mieux encore, essayer donc de vous rappeler vos moutons : ils sont déjà évaporés.


Suite de l'article
Cartothèque de l'Université Paris 8