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Rencontre avec Thomas B, futur prof des écoles

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Thomas B., j’ai 28 ans. J’ai fait une licence de Géographie et je suis actuellement étudiant de Master, dans l’optique de devenir professeur des écoles.

Pourquoi avoir choisi des études de géographie après le bac ?
Très bonne question ! Je n’ai pas choisi d’emblée la géographie : j’ai commencé mes études par une première année d’Histoire avec une mineure Géographie. Cela m’a permis de constater que j’avais une préférence pour la géographie humaine.

A quel moment avez-vous eu l’idée d’un métier précis ?
Au début de mes études, j’envisageais d’être professeur d’Histoire-Géographie en collège ou lycée. Pendant mes études, j’ai pensé devenir enseignant-chercheur, j’ai commencé un Master 1 de recherche en géographie. J’ai vite trouvé que le milieu universitaire et ses logiques clientélistes, s’agissant de l’obtention de bourses ou de postes, ne pouvait me convenir. J’ai donc abandonné cette idée et je me suis tourné vers une carrière de professeur des écoles.

Au terme de cette année d’étude, vous passerez un concours ?
Oui, il a lieu dans quelques mois. C’est une profession qui requiert des bases de connaissances généralistes, une approche du savoir axée sur la transmission et permettant à l’élève une réappropriation des connaissances que l’enseignant lui propose.

Vous serez alors affecté dans la région de votre choix ?
Oui, le choix s’effectue en amont. On passe le concours dans l’académie où l’on s’inscrit, pour un poste situé dans cette même académie.

Que peut-on apporter, dans cette profession, avec un bagage de géographe ?
Quand on a développé un esprit d’analyse propre à une discipline, il est de fait plus facile de le transmettre aux élèves. Notre construction de ces savoirs est plus élaborée, plus fine. On est donc plus au clair de nos choix lorsqu’il s’agit de les expliquer aux élèves. Pour moi la géographie est avant tout un système logique, au même titre que les mathématiques. La géographie étant par nature transversale entre toutes les sciences humaines, elle prend en compte des données historiques, sociologiques, anthropologiques. Cela permet d’avoir une approche globale de tous les phénomènes que l’on est amené à analyser. C’est bénéfique dans une démarche d’enseignement puisqu’on est capable d’envisager différentes données simultanément et de les ordonner pour en faire un savoir.

Comment a évolué votre idée de la géographie ?
Mon idée de la géographie a beaucoup changé tout au long de mes études. Au départ, ça se résumait aux cartes, au Nord, au Sud… Après j’ai commencé à percevoir qu’il s’agissait d’un mode d’appréhension particulier d’un territoire. Et d’une appréhension multi scalaire, c'est-à-dire insérée dans un territoire plus large, lui-même composé de territoires plus petits. Ca m’a apporté une capacité à changer d’échelle pour élaborer un raisonnement. Cette capacité, on peut la trouver dans le rapport au temps de l’historien, mais en géographie, nous sommes sur une déclinaison spatiale et temporelle. Je me souviens que nous avions un cours intitulé « Territoire, perceptions et représentations », donné par M. J.-F. Deneux, où la question du référent culturel était également abordée. Un même phénomène peut être lu de manière très différente dans des cultures différentes.
C’est une possibilité de décentrement, dans le temps et dans l’espace, dans la culture ou les valeurs. Prendre du recul ou faire un « focus », voila comme je vois la géographie : un outil essentiel dans l’appréhension du monde. Par contre, j’ai changé d’avis sur l’urbanisme…

On peut parler de l’urbanisme...
Interview à scandale ! L’urbanisme et la manière de penser la ville... Où l’on s’aperçoit que l’urbanisme contemporain, celui dans lequel nous vivons, est un urbanisme de pacification sociale, un urbanisme de contrôle. Je me souviens avoir entendu un préfet sur France-Info parlant de rénovation urbaine dans les quartiers dits « sensibles ». Ce préfet s’entretenait avec un urbaniste. Ayant pris confiance au long de l’émission, le préfet dit : « Les jeunes, c’est comme les pigeons : s’ils ont l’habitude de se poser sur un muret, on installe des pics sur le muret et ils ne s’y poseront plus ».

J’ai trouvé ça vraiment révélateur des politiques actuelles qui sous-tendent l’urbanisme. Il s’agit d’éradiquer les lieux de vie qui ne sont pas homologués par le pouvoir économique ou politique. Tous ces espaces qui ne portent pas de rentabilité intrinsèque ou qui échappent à l’emprise du pouvoir politique et de l’économie légale doivent être supprimés.

C’est la question des possibilités d’appropriation de l’espace urbain ?
Voilà ! On veut des centres-villes vivants, de la joie, de la gaité, de la communion entre les générations et tout mais on fabrique des villes aseptisées où le vivant doit être canalisé, autorisé d’après des critères relatifs à sa valeur économique et à son rapport à la norme, et la géographie doit nous inviter à questionner la construction verticale de ces territoires. L’état est normatif vis-à-vis des populations, sans aucune considération sur la réalité de la vie. Un arbre, pour qu’il pousse, il lui faut de l’espace. On peut le faire pousser droit en le gainant, ou en le bordant d’autres espèces… Mais est-ce encore la Vie ?

L’appropriation de la ville se fait principalement par la marge, dans les espaces délaissés par le pouvoir, dans les espaces où le vécu peut être autonome, non dirigé. On ne peut que difficilement s’approprier un espace dirigé, possédé par une autorité, à moins de faire partie de cette autorité.
C’est intéressant de revenir sur la définition de ce qu’est l’espace public. Avant c’était l’espace qui était à tous. Aujourd’hui, c’est celui qui n’est à personne. Cette inversion dans la perception de l’espace public est intéressante ! Même en bas de chez eux, sur un espace public, des gens ne sont pas chez eux et se font chasser. L’espace public est devenu le lieu de l’expression du pouvoir étatique.

Quel conseil pour des étudiants en géographie ?
Profitez, écoutez, soyez ouverts, questionnez, questionnez-vous. Et intéressez-vous quand même à la géomorphologie. Après on regrette de ne pas l’avoir fait.

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Avril 2013