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Rencontre avec Dominique Luis, administrateur SIG

Vous n'êtes pas inconnu des étudiants et enseignants de géographie
En effet, j'y interviens chaque année dans le cadre du Master 2 (Pro) de Géomatique, sous la direction de Vincent Godard. J'étais également présent à la Journée des Métiers organisé par le département de géographie, l'an passé.

C'est dans cette même université que vous avez suivi vos études ?
Oui. Sortant d'un Bac Eco, j'ai d'abord été inscrit à Paris-8 en économie, au sein de l'UFR T.E.S. [NDLR : à cette époque, l'intitulé de cette UFR était "Territoire Economie et Société"]. Nous avions la possibilité de prendre une matière de géographie en parallèle de notre cursus, ce que j'ai fait. Il s'agissait d'un cours intitulé Qu'est-ce que la géographie ?, donné par Yves Lacoste. J'ai découvert une matière que je connaissais mal et j'ai été surpris de constater que par ce biais, l'on pouvait trouver des débouchés professionnels permettant d'intervenir sur l'urbain. Intéressé par l'architecture depuis longtemps, j'ai trouvé là ce que je cherchais.

J'ai donc basculé au second semestre en géographie. La place du terrain, l'intérêt pour l'humain, la facilité d'interaction et de débats avec les enseignants sont autant d'éléments qui m'ont conforté dans mon choix. Ayant déjà à l'époque un goût pour l'outil informatique et pour la cartographie, je me suis assez naturellement orienté vers la création/gestion de Bases de Données et les Systèmes d'Information Géographique (SIG).

Comment avez-vous trouvé votre emploi actuel?
Alors que j'achevais ma licence, Vincent Godard a ouvert un DESU d'Analyse Spatiale option Géomarketing. Je m'y suis donc inscrit. Les interventions orales de professionnels du géomarketing et le stage de fin d'année m'ont permis de rentrer de plein pied dans le marché du travail par la suite. Ainsi après mon stage du DESU effectué à la RATP sur le thème de l'offre de mobilité sur l'arrondissement de Saint Denis, j'ai travaillé comme administrateur SIG à la ville d'Epinay sur Seine pendant deux ans. Nous étions au tout début du SIG et ses potentialités étaient encore mal connues des gestionnaires territoriaux.

Pour devenir ingénieur, j'ai repris mes études et effectué l'année de master 2 à l'université d'Orléans. J'ai réussi à faire valoir mon DESU comme un M1 grâce à l'expérience professionnelle que j'avais acquise entre temps. Après quoi j'ai intégré Plaine Commune dans le cadre du stage du M2. Celui-ci a abouti à l'élaboration d'une étude préalable à la mise en place d'un Système d'Information Géographique pour cette communauté d'Agglomération - qui disposait alors de deux services cartographiques distincts travaillant sur des outils de CAO/DAO - et d'une note à l'intention des élus. Ce travail a convaincu et il a été décidé par la Direction de poursuivre cette initiative. En partenariat avec un consultant extérieur, nous avons, l'année suivante, réalisé une étude de faisabilité de mise en place du SIG (coût, état des lieux du matériel, nombre de personnes concernées, etc...) qui a été validée ainsi que la création d'un poste de responsable SIG. C'est ainsi que j'ai été embauché de manière définitive à Plaine Commune en 2004.

Quelles sont vos missions ?
Mon poste comporte différents aspects. Administrer le SIG en est bien sûr le principal. Je gère les données de référence du territoire, j'intègre les données des partenaires et je gère l'accès des différents utilisateurs. Je coordonne également l'action des différents services producteurs de données spatiales, ce qui me permet d'avoir une vision de ce que l'on produit et de mettre à jour notre catalogue de données. Autrement je gère les projets liés au développement du SIG (rédaction de cahier des charges, animation de groupe de projet, etc.) et j'aide les services à modéliser leurs données métiers qui seront utilisées spatialement dans le SIG puis cartographiées. C'est un rôle de conseil que me confère ma formation de géographe A savoir traduire des problématiques territoriales dans un univers informatique et cartographique.

Quel bénéfice apporte votre formation de géographe ?
Nous sommes sans doute les plus à même de proposer une vision multithématique et multi-échelle du territoire. De part notre formation il est ainsi plus facile de comprendre les enjeux des projets d'aménagement ou de développement économique, et de les traduire sous forme de données à analyser et de cartes à produire. Nous évitons ainsi l'écueil d'une vision purement technicienne que pourrait conditionner un tel logiciel.

Comment sont articulés les différents pôles cartographiques au sein de Plaine Commune ?
Il y a cinq personnes à l'atelier de cartographie qui traitent les thèmes de l'aménagement urbain, la rénovation urbaine, l'habitat et l'environnement. Il y a quatre personnes au bureau d'études voirie qui s'occupent de tout ce qui est lié à l'espace public (voirie, parcs et jardins, les transports, l'éclairage public et l'assainissement). Il y a une personne au développement économique et depuis peu une personne à l'observatoire de l'habitat. Une de mes fonctions est donc de faire de la coordination entre tous ces acteurs et de faciliter la mutualisation des données. Il a fallu "normer" les figurés utilisés par les différentes sections cartographiques ainsi que les définitions des éléments à cartographier. Ainsi, "parc" et "jardin" n'avaient pas de définition unique partagée par toutes les équipes territoriales de Plaine Commune. Il a donc fallu structurer le tout.

Mon rôle est également celui d'un référent concernant l'usage du logiciel, du point de vue méthodologique et du point de vue pratique. Il s'agit pour moi de faire du SIG un système d'organisation de la donnée dans un objectif de gestion à long terme. Nous avons par exemple numérisé le cadastre de notre territoire, afin de connaître rapidement le statut des terrains sur lesquels des projets sont mis en oeuvre.

Vous avez accès à plus de données qu'une entreprise.
Effectivement, en particulier pour ce qui touche au foncier (sous contrôle de la CNIL pour les données nominatives). Nous échangeons également des données avec les différents acteurs afin d'obtenir les données « sources » ce qui limite les imprécisions et les erreurs. Nous pratiquons alors des échanges conventionnés avec les producteurs des couches d'informations que nous recherchons (IGN, RATP, STIF, etc.), et nous ne manquons pas d'en acquérir lorsque le besoin s'en fait sentir. Je pense en particulier aux orthophotographie ou au rendu 3D que nous a fourni la société Vectuel.

Quels sont les différents chantiers auxquels vous participez ?
Ces chantiers sont de différentes natures. Ainsi, en voirie, nous avons recensé les « points noirs » en terme d'accessibilité sur l'Agglomération afin de mieux répondre aux besoins des personnes à mobilité réduite [dans le cadre de la loi du 11 Février 2005]. Ce travail permet de déterminer et chiffrer les parcours à mettre aux normes. Ce travail a donné lieu à une communication au colloque SIG organisé par ESRI France en 2009. Cette communication donne à voir très concrètement la réalité de notre travail quotidien.

Le rendu 3D nous permet de réaliser une projection de l'avancée des travaux en temps réel. Cela en fait également un outil de communication remarquable. Actuellement, sur notre territoire, 24 quartiers sont concernés par la rénovation urbaine. Les changements sont donc nombreux et il est important que les décideurs les voient et les donnent à voir aux populations. Ce type de rendu nous permet de présenter de manière pédagogique les projets dans le cadre de réunions de quartier. Je me souviens qu'au cours de mes études, la 3D apparaissait comme un gadget sympathique aux yeux de certains enseignants. C'est bien davantage un moyen d'inscrire des ensembles architecturaux dans un contexte plus vaste, en ayant conscience des volumes, des évolutions sur le long terme, etc.


Aujourd'hui, nous travaillons à la mise à jour d'une cartographie représentant tous les projets du territoire, suivant les différents périmètres légaux (ZAC, ANRU etc.) auxquels on attache des données statistiques comme le nombre de mètres carrés de SHON que l'on y construit, mais aussi sous la forme des plans masses des futurs aménagements, ce qui nous permet de voir la forme de la future trame urbaine et d'en connaître ses fonctions (bureaux, habitat, commerces).


Etes-vous en contact avec d'autres responsables de SIG ? Comment réalisez-vous votre veille documentaire ?
Oui je suis en relation avec des responsables SIG d'autres collectivités afin de partager nos expériences et nos points de vue. J'ai aussi l'occasion chaque année de rencontrer des personnes d'autres métiers lors des conférences annuelles de l'éditeur SIG ESRI. Autrement il existe aussi un certain nombre de magazines dont la lecture est enrichissante (SIG la Lettre, Geomatique expert, etc.).

Quels conseils donneriez-vous à un étudiant qui se destinerait à un emploi dans le milieu des SIG ?
Aimer la cartographie, aimer l'informatique, assister à des forums, des séminaires et pour comprendre vraiment ce qu'est le métier, ne pas hésiter à faire des stages.
Les perspectives d'emploi restent importantes d'autant plus que la plupart des bureaux d'études avec qui nous travaillons utilisent encore des logiciels de CAO/DAO (Autocad, Illustrator,...) et non des SIG. Leurs données ne sont pas donc pas transférables dans un SIG; elles sont perdues pour nous. Les communes et autres aménageurs territoriaux sont en train d'imposer la compatibilité de ces données dans leurs cahiers de charge. Les bureaux d'études seront donc amenés à recruter des techniciens SIG dans les années qui viennent.

Mai 2012