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Rencontre avec Béatrice Durand, maîtresse d’école

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
J'ai 37 ans, je suis née, j'ai grandi, je vis en Seine Saint Denis où j'enseigne dans une école élémentaire. J'ai obtenu un bac scientifique à l'âge de 17 ans et je suis entrée à l'université de Paris 8 en octobre de la même année (l'université de Paris 7 qui avait promis de m'accueillir s'était ravisée, m'avançant que Saint-Denis n'avait pas assez d'étudiants dans ma filière). J'avais choisi la filière géographie avec option histoire. Mon idée était alors de me tourner vers l'enseignement secondaire. J'ai obtenu mon DEUG en 2 ans puis ma licence l'année suivante. Un professeur d'urbanisme m'a alors proposé de passer une maîtrise, mais suite à plusieurs divergences, j'ai validé toutes mes U.V. sans aller au bout de mon mémoire (qui portait sur l'urbanisme à Berlin, vers ou non l'organisation d'un nouveau centre ville autour de la Postdamer Platz). L'année suivante, j'ai suivi une préparation au concours du CAPES d'histoire-géo, ainsi que l'année d'après. Malgré un refus à l'admissibilité pour un demi point, j'ai arrêté mes études car je me suis également présentée au CRPE (concours de recrutement pour les professeurs des écoles) où j'ai été admise malgré mon absence de préparation.

A-t-il été difficile pour vous de trouver du travail ?
Je n'ai donc eu aucune difficulté à m'insérer dans la vie professionnelle puisque j'ai été recrutée sur concours. La seule difficulté a été de trouver un vocabulaire approprié lorsque, dès le mois de septembre et sans formation aucune, j'ai été envoyée en stage en grande section de maternelle. Même si je n'avais pas eu ce concours (je ne savais pas alors que j'étais si près de l'admissibilité au CAPES), j'avais décidé de mettre un terme à mes études. Je travaillais déjà en grande surface depuis 4 années et on m'avait proposé d'évoluer dans l'enseigne. Par ailleurs, un jour de navigation sur le net, je m'étais inscrite à un concours pour être conseiller financier à la Poste et j'avais obtenu le poste. Je n'avais que l'embarras du choix.

Collaborez-vous avec des personnes de profession différente pour réaliser vos projets ?
Dans une école, nous travaillons en équipe. Lorsque nous élaborons un projet, nous en référons d'abord à notre directeur qui n'est pas notre supérieur mais qui est garant de la sécurité des enfants. Nos projets sont ensuite et la plupart du temps examinés par un conseiller pédagogique ou l'inspecteur de circonscription (qui vérifie que le projet s'inscrit dans le projet d'école et vérifie les compétences travaillées ainsi que les modalités de mise en œuvre). Nous sommes aussi appelés à travailler avec la municipalité (pour l'obtention de crédits, de locaux, de cars), des animateurs sportifs ou des associations (pour l'initiation à des techniques sportives, pour la découverte d'un milieu naturel...).

Quelles difficultés rencontrez-vous le plus fréquemment ?
Nous pensons souvent connaître les métiers de l'éducation car on a tous « vu faire » nos anciens professeurs. Aujourd'hui, en dehors de la « passation de savoir directe », il y a beaucoup de charges administratives, notamment des dossiers à remplir pour que des enfants aient des prises en charge (par un enseignant spécialisé, par un psychologue, par une aide de vie scolaire).
Difficulté aussi sur le plan humain. Il est parfois difficile de gérer certains problèmes de comportement graves et nous ne sommes pas toujours soutenus par la hiérarchie (contrairement à ce qu'on peut voir ou lire dans les médias). Difficulté aussi dans le dialogue avec certains parents. Il faut toujours choisir et peser ses mots ; être ferme sans que la famille cherche à fuir.
Difficulté enfin liée aux finances. Aujourd'hui, l'économie du pays est en berne et nous en vivons directement les conséquences dans les classes. Les budgets alloués par les communes diminuent (pour acheter du matériel mais aussi pour louer un car), et à l'heure du tout numérique, seule 3 classes de l'école sont équipées de tableau numérique (depuis 1 mois et internet ne fonctionne pas). Faute de crédit, nous n'avons plus d'intervenants en langues vivantes. Je dois enseigner l'anglais alors qu'à l'université et au concours j'ai pu choisir l'allemand... Par manque de formateurs et d'argent, on nous demande, sur le terrain, de former des gens envoyés par Pôle emploi. L'école doit pouvoir effacer les inégalités sociales et je pense qu'aujourd'hui, elle les creuse. Et je ne parlerai pas des nouveaux programmes qui ne tirent pas les élèves vers le haut.

Pensez-vous que votre parcours universitaire vous a bien préparée à faire face à ces difficultés ?
Non, mon parcours universitaire m'a préparée à accéder à des concours et l'a plutôt bien fait d'ailleurs mais pas à résoudre mes difficultés au quotidien.

Quelles sont les compétences requises pour exercer votre métier ?
La patience et la persévérance. Il faut pouvoir être capable de donner de soi-même tout en sachant prendre du recul sur certaines situation. Il faut être à l'écoute, savoir travailler en équipe, faire preuve d'initiative et de débrouillardise (il faut faire avec les moyens du bord).

Avez-vous des conseils pour les étudiants de géographie ?
Pour les étudiants de manière générale plus que pour les étudiants en géographie. Faites les études qui vous plaisent, vous n'aurez pas forcément un métier dans la vie, mais parfois plusieurs jobs. Soyez polyvalents et apprenez à rebondir. Je vous souhaite bon courage.

Interview réalisée par Manuel Gomez, 2016