Bannière de la cartothèque.
Exposition Abidjan des années 1950 à nos jours - 2018


Panneau d'exposition dans le couloir du département de géographie. Textes et illustrations papier. Exposition élaborée par Quentin Mercurol, cartothèque

Film Moi, un Noir, Jean Rouch, 1958

Edward J. Robinson (Oumarou Ganda) : « Enfin, voici Treichville… Treichville ! Nous vous montrerons ce que c'est la vie de Treichville ! Ce que c'est que Treichville en personne ! »
Treichville, le quartier africain de la planification urbaine coloniale
Edward J. Robinson dans les rues de Treichville
Edward J. Robinson et son travail de manœuvre au port
Des cowboys à Abidjan

Film improvisé, Moi un Noir donne la parole à quelques habitants de Treichville (un quartier africain d'Abidjan), tout à la fois acteurs et auteurs du film. Oumarou Ganda, alias Edward G. Robinson (du nom d'un célèbre acteur hollywoodien alors visible dans les cinémas d'Abidjan) dessine à grands traits les difficultés de son quotidien dans la capitale coloniale.
« Je suis un étranger à Abidjan, je suis venu du Niger à 2000 km d'ici. Nous sommes venus à Abidjan chercher de l'argent. Et nous sommes beaucoup, au moins une centaine de jeunes gens à être venus ici, bientôt trompés par le Dieu des gens, car à Abidjan, tout tourne autour de l'argent. Ou est l'argent ? Moi je n'ai que 25 francs en poche, les autres en ont des millions et consort. L'argent ! Je suis manœuvre journalier actuellement, je ne fais rien seulement qu'à fatiguer, à peiner, à vivre comme ça. Si je savais que c'était ainsi Abidjan et bien, je ne viens pas à Abidjan moi, parce j'en ai marre moi de vivre manœuvre, manœuvre, manœuvre... n'être rien que manœuvre, rien que cette mauvaise vie, mon vieux. Si je savais que c'est ainsi que je vais vivre à être manœuvre journalier et bien merde… et puis merci ! Il faut maintenant rentrer dans la vedette, dans les 25 francs que j'ai, il faut encore ôter 5 francs, il me restera que 20 francs pour acheter attiéké et avocat. Ah mon Dieu, que la vie est compliquée, que c'est triste. Il y en a qui sont bien logés, bien nourris et qui habitent même à deux étages peut-être et moi j'habite l'autre côté à Treichville et nous sommes logés dans des cases, dans des maisons mais qui sont pas bien faites comme celles des autres, nos vies sont différentes.»

Ce film est aussi une plongée dans l'imaginaire (déjà) mondialisé qui anime la jeunesse abidjanaise et se projette dans un espace urbain en pleine transformation. Les cowboys des films hollywoodiens, les images de Paris et les sonorités de rumba congolaises imprégnent la ville habitée par ces jeunes hommes venus de toute l'Afrique de l'Ouest. Cet imaginaire nourrira l'urbanisation et l'industrialisation de la capitale ivoirienne, dans les décennies 1960 et 1970.

Ce film est empruntable à la BU. (c'est aussi l'occasion de découvrir bien d'autres films de Rouch, Moi un Noir faisant partie d'un superbe coffret de 4 DVD). Soit en salle Rouge, bac DVD à la cote 39.1 A/Z Rouch 2005, soit à l'espace audiovisuel à la cote 791.43(44) ROU

Aya de Yopougon / Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, 2005-2010

Aya de Yopougon (cliquez sur l'illustration pour agrandir) est une bande dessinée en plusieurs tomes qui nous plonge, vingt ans après Moi un Noir, dans la vie quotidienne du quartier de Yopougon – ou Yop City « pour faire comme film américain ». Yopougon est un quartier planifié de l’étalement urbain abidjanais sur le plateau du Banco. Contrôlé par l’État, ce projet d'urbanisation situé entre les modèles urbains de la suburb et de la ville nouvelle devait offrir une offre de logement abordable tout en organisant la croissance de la capitale ivoirienne. Destiné à l'ascension des classes moyennes urbaines, Yopougon a été considéré à ses débuts comme la composante résidentielle du « miracle ivoirien ». La crise urbaine succédant au miracle, le projet urbain reste inachevé et il est investi par des populations et des activités (informelles) différentes que celles initialement prévues.

Par les pratiques et l'inventivité de ses citadins, Yopougon est devenu un foyer de culture urbaine de toute première importance, grâce à ses multiples bars, « dancings « et « maquis » qui ont fait sa célébrité et sa réputation, au point de supplanter Treichville en tant que marqueur d'une identité urbaine « africaine ».

A travers les histoires d'Aya et de ses copines (cliquez sur l'illustration pour agrandir), c'est tout un pan du quotidien et de cette culture urbaine abidjanaise que nous narrent Marguerite Abouet et le dessinateur Clément Oubrerie, avec tout l'humour, la douceur et la langue propre des rues animées de Yopougon. Les parcours d'Aya et de ses amis dans et hors de Yopougon offrent aussi une géographie particulière de la ville, où se lisent les inégalités qui la structurent.

Les 3 premiers tomes d'une série de 6 sont disponibles à la BU : rendez-vous à l'espace BD, cote 742 pf OUB. Pour l'ensemble de la collection, rdv à l'IUT de Montreuil. Un film a été tiré de la BD, disponible à la BU à l'espace audiovisuel à la cote 791.43(44) OUB

Revue de 1970 avec le quartier du Plateau en couverture

Dès 1970, le paysage urbain du Plateau évoque la circulation à l'échelle internationale des emblèmes de l'urbanisation « occidentale ». Sa verticalité, la concentration des fonctions de commandement, son style architectural « international » fait de béton et de verre évoquent une forme urbaine très reconnaissable. Centre du pouvoir colonial, il est aussi le résultat assumé par l'ancien président Houphouët-Boigny de la volonté de faire de la Côte d'Ivoire un pays modèle et d'Abidjan, sa vitrine. C'est ce miroir de réussite ivoirienne que le quotidien Fraternité Matin – contrôlé par le gouvernement – met en scène dans un numéro spécial sur Abidjan, qui présente la capitale comme « la Cité Africaine de l'An 2000 ».

La suite de l'exposition