Journal de la Carto - Mars-Avril 2015
En 1967, Guy Debord publie son livre phare : La société du spectacle.

Le moment présent est déjà celui de l'autodestruction du milieu urbain. L'éclatement des villes sur les campagnes recouvertes de «masses informes de résidus urbains» (Lewis Mumford) est, d'une façon immédiate, présidé par les impératifs de la consommation. La dictature de l'automobile, produit-pilote de la première phase de l'abondance marchande, s'est inscrite dans le terrain avec la domination de l'autoroute, qui disloque les centres anciens et commande une dispersion toujours plus poussée. En même temps, les moments de réorganisation inachevée du tissu urbain se polarisent passagèrement autour des «usines de distribution» que sont les supermarkets géants édifiés sur terrain nu, sur un socle de parking ; et ces temples de la consommation précipitée sont eux-mêmes en fuite dans le mouvement centrifuge, qui les repousse à mesure qu'ils deviennent à leur tour des centres secondaires surchargés, parce qu'ils ont amené une recomposition partielle de l'agglomération. Mais l'organisation technique de la consommation n'est qu'au premier plan de la dissolution générale qui a conduit ainsi la ville à se consommer elle-même.
Guy Debord s'est suicidé en novembre 1994. Il n'aura pas vu la réalisation de sa prédiction : Paris pétrifié dans ses rigides schémas d'urbanisme devenu ville musée en concurrence féroce avec les autres villes musées, intégré dans le gigantisme du Grand Paris et de la mondialisation, n'existant plus que par et pour le spectacle qu'il s'offre à lui-même.
Puisque Paris n'a plus rien à dire, laissons la conclusion de cette errance à travers le temps et les cartes à Patrick Modiano :

Quelques-unes [des villes], en Amérique et dans ce qu’on appelait le tiers-monde, sont devenues des « mégapoles » aux dimensions inquiétantes. Leurs habitants y sont cloisonnés dans des quartiers souvent à l’abandon, et dans un climat de guerre sociale. Les bidonvilles sont de plus en plus nombreux et de plus en plus tentaculaires. Jusqu’au XXe siècle, les romanciers gardaient une vision en quelque sorte « romantique » de la ville, pas si différente de celle de Dickens ou de Baudelaire. Et c’est pourquoi j’aimerais savoir comment les romanciers de l’avenir évoqueront ces gigantesques concentrations urbaines dans des œuvres de fiction.

A Mexico, mégalopole de 20 millions d'habitants, certains refont de la psychogéographie...
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Cartothèque de l'Université Paris 8