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Témoignages de terrain - Maroc - Ouarzazate : modèle de développement pour le Sud marocain ?



Retour de voyage par Félix Poyer, cartothécaire

Sise au contact du Haut-Atlas et portant son regard vers les étendues sahariennes, Ouarzazate, la « Clef du Sud Marocain », est une ville en pleine expansion. C'est l'occupant français qui lui a donné sa première impulsion urbanistique en y établissant une ville de garnison, à la confluence des vallées de l'Oued Ouarzazate et de l'Oued Dadès.
Si l'occupation humaine de la région est bien antérieure à l'apparition de la ville -les peintures rupestres du néolithique ou l'abondance de « ksars » en témoignent- on ne peut nier que le développement de cette capitale régionale offre un nouveau souffle à la région Souss-Massa-Drâa.

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Cette région sous-industrialisée, autrefois point d'étape incontournable dans la traversée du Sahara, a perdu, durant le XXe siècle, le « public »capable d'apprécier ses oasis : les nomades. Les frontières fermées, les nomades sédentarisés, c'est dans un autre système que la région doit trouver son salut.
C'est dans ce contexte que ne cesse de croître Ouarzazate. Fondée en 1928, selon les recensements officiels la ville compterait 98 978 habitants en 2012. Contre 74 600 en 2004 ! La fulgurance de cette croissance est bien sûr à mettre au regard de nombreux facteurs.
Le taux d'accroissement démographique négatif de certains espaces ruraux voisins en est une explication, les sécheresses de ces dernières années rendant la vie rurale bien austère en comparaison de ce qu'offre la ville. Mais ce n'est pas le seul élément.

La « Clef du Sud Marocain » est également la porte de son désenclavement.

Coupée du Nord du pays par le massif de l'Atlas, préservée au Sud par le désert, l'autarcie n'est pourtant pas à l'ordre du jour. La région qui n'avait aux yeux des pouvoirs successifs d'autre intérêt que ses remarquables ressources minières (la production d'argent brut dans la région représentait 80,4% de la production totale marocaine en 2001) dispose à présent d'atouts qui contribuent à son intégration dans l'économie marocaine... Et mondiale !

Game of Thrones, Le seigneur des anneaux, The hill have Eyes, Lawrence d'Arabie, Road to Kabul...
Connaissez-vous le point commun entre ces productions cinématographiques ? Elles ont été réalisées, au moins en partie, à Ouarzazate. Trois studios se partagent le marché et des milliers d'emplois de techniciens ou de figurants permettent une activité de complément, saisonnière.

C'est l'ensoleillement remarquable de l'endroit, conjugué avec des paysages grandioses et de la main d'œuvre à bas prix qui a attiré le 7e art dans ces contrées. Dix long métrages ont été tournés ici pour la seule année 2013. Les retombées financières ne sont évidemment pas négligeables !

Ces mêmes éléments, auxquels s'ajoute l'aura du cinéma, attirent ici un tourisme qui, s'il n'est pas encore de masse, n'en est pas moins massif. 5502 lits d'hôtels sont disponibles pour 450 000 nuitées par an. Les secteurs de l'hôtellerie, des services, de l'artisanat sont une perspective professionnelle pour qui est en mesure d'y travailler.

C'est sous la pression de ces secteurs d'activité qu'une étape capitale a été franchie pour le désenclavement de la région : l'ouverture d'une ligne aérienne quotidienne reliant Casablanca et l'aéroport international de Ouarzazate, au terme d'un accord liant, en septembre 2013, Royal Air Maroc, le Ministère de l'équipement et la Région Souss-Massa-Drâa.

La nouvelle Université, bâtie en 2006, témoigne non seulement de la dynamique de croissance de la ville mais également des secteurs d'activité présents ici. Tourisme, Cinéma, Informatique et Gestion d'entreprises : voilà des formations en accord avec le marché de l'emploi !

La plus récente de ces filières témoigne d'un nouveau secteur en croissance dans la région :
"Techniques d’Exploitation des Energies Renouvelables : TEER", ouverte en 2010 a pour but de former des étudiants qui pourront par la suite travailler auprès d'un des plus gros chantiers d'énergie solaire actuellement en activité.
Le projet NOOR-1, pour lequel la Banque Mondiale a accordé un prêt de 297 millions de $ est un partenariat entre des entreprises privées (2 sont espagnoles, 1 est saoudienne) et les autorités marocaines.
A terme, la centrale doit couvrir 3040 ha. Ces champs de panneaux solaires devraient permettre d'atteindre une production de 500 MégaWatt. Autant qu'une centrale nucléaire !

Si l'enjeu écologique est de taille, "évitant" la production d'un million de tonnes de CO2, ce n'est pas le seul levier qui a poussé à la réalisation de cet ambitieux projet. Réduire la dépendance énergétique dans un contexte de hausse du prix du baril de pétrole a été tout aussi déterminant.Quand on sait que la consommation d'électricité des ménages a doublé au Maroc en dix ans et que l'on estime nécessaire de quadrupler la production d'ici vingt ans, on comprend tout l'importance des enjeux et la pertinence d'utiliser des ressources renouvelables.

A Ouarzazate, l'ensoleillement est de 20% supérieur au meilleur site espagnol. Le cinéma, le tourisme comme la production d'énergie ne s'y sont pas trompés. En espérant que les premières conséquences du réchauffement climatique ne fassent de cet atout un handicap...

Septembre 2014