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Témoignages de terrain - Haïti - Le master de géographie en Haïti



Rencontre avec Bézunesh Tamru, professeure de géographie

En mars 2012, nous avions interrogé Bézunesh Tamru, professeure au département de géographie de l'université Paris 8 sur le projet de collaboration solidaire avec l'ENS de Port-au-Prince à Haïti.

Peux-tu nous expliquer ce qu'est ce projet de master ?
Ce projet s'insère dans la collaboration solidaire, c'est-à-dire ce que l'université Paris 8 peut apporter à un certain nombre de compétences en matière d'enseignement supérieur. Nous avons décidé de créer un master délocalisé à Haïti. Il implique que des collègues se rendent sur place pour donner des enseignements, bénévolement, et que les étudiants de ce master soient inscrits comme étudiants de l'université Paris 8. Ils sont dispensés de droits d'inscription.
Le but est de reconstruire la géographie à Haïti et notamment à l'Ens de Port-au-Prince, sachant que la géographie a payé un fort tribu lors du dernier séisme. De grands géographes dont Georges Anglade ont péri. L'objectif est donc de former très rapidement des étudiants de niveau master 1 et 2 voire doctorants pour qu'ils puissent nous remplacer.

Sur combien de temps est prévue cette collaboration ?
Nous espérons que la relève sera rapide. Puisque nous ne pouvions prendre tout le monde (25 étudiants maximum par promotion), nous avons demandé aux Haïtiens de créer leur propre master. Aujourd'hui tout le master est mutualisé avec le nôtre, nous assurons tous les cours mais nous espérons un désengagement progressif pour permettre au master haïtien de voler de ses propres ailes. Disons que nous sommes une rampe de lancement. La solution actuelle ne peut être qu'un pis aller parce que le suivi des mémoires se fait à distance et que les missions sur place ne peuvent qu'être courtes.

Quelles sont les principales difficultés ?
Trouver des enseignants à envoyer sur place, faire des cours regroupés et avoir suffisamment de financement pour les missions.

D'autres projets de coopération solidaire sont-ils prévus ?
Non mais sur l'aspect international, il existe un projet de master international avec le Sénégal et l'IRD bien engagé qu'il reste à finaliser. D'autres programmes se font ponctuellement, au travers des collègues, sans être formalisés au niveau du master.

2 ans plus tard...

Où en est-on du master Haïti en ce début 2014 ?
Le master Haïti a des résultats tangibles puisque le projet lancé en 2012 a abouti à la remise de diplôme de 21 étudiants qui ont obtenu leur master 2 de géographie de l'université Paris 8. En 2012, le master avait été inauguré au cours d'une cérémonie à laquelle assistait le président de l'université Monsieur Binczak et cette fois-ci, c'est Madame Tartakowsky qui a pris le relais et a remis ces 21 diplômes avec l'ambassadeur de France et les deux recteurs locaux.

La cérémonie était très touchante, nous étions tous émus. Les étudiants étaient sur leur trente-et-un, tous avec le même habit, costume noir, cravate rouge, des rubans rouges pour les filles. Ils ont pris cela très au sérieux, ce sont des étudiants à qui on a plaisir à enseigner car ils ont cette soif d'apprendre. Je l'ai dit dans mon discours et je le répète, ils nous réconcilient avec notre métier ! C'est très satisfaisant car parfois nous sommes un peu blasés. Nous sommes plusieurs à les avoir remerciés comme eux nous ont remerciés et nous ont remis des cadeaux.

Quel avenir pour ce master ?
Ce master a été conçu comme une réponse d'urgence à une situation d'urgence au lendemain du séisme. Il n'est pas question de le conserver dans son format actuel car il est entièrement délocalisé : tous les cours et le diplôme appartiennent à Paris 8. Il ne faut pas qu'à terme cela empêche l'émergence d'un diplôme local donc nous sommes activement engagés dans un projet de relocalisation du diplôme. Toutefois cela ne ne doit pas se faire de façon brutale ; il ne faut pas passer d'un diplôme européen vers un diplôme local qui malheureusement serait perçu comme une situation de dévalorisation. C'est pourquoi nous tentons de l'accompagner par ce qu'on appelle une double validation.

Février 2014