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Témoignages de terrain - Saint-Denis - Les assises de l'UFR TES



Avant de nous plonger dans les assises de l'UFR T.E.S. (territoires, environnements, sociétés), première étape d'un long voyage, une petite citation pour nous mettre en jambe et saisir la cruauté de la situation initiale :

« Il ne fait pas de doute qu'ils [les gauchistes de l'université] aimeraient bien le croire, mais leurs activités ne sont pas une menace sérieuse pour le contrôle des universités par les grandes entreprises (…).
C'est ce contrôle du grand capital qui a détourné les ressources sociales pour les transférer des humanités vers la recherche militaire et technologique, qui a encouragé l'obsession de la quantification qui a détruit les sciences sociales, qui a substitué à la langue un jargon bureaucratique et créé un appareil administratif au sommet hypertrophié dont la vision éducative se résume au bilan comptable »
Christopher Lasch, La révolte des Elites, 1995

Le propos est lapidaire et, même si l'on n'acquiesce pas à l'ensemble des propositions, l'on peut reconnaître quelques éléments marquants des évolutions que connaît l'Université aujourd'hui.

Que sont ces Assises ?
La rencontre entre le désir d'un groupe d'étudiants intéressés pour vivre le temps qui leur est imparti au sein de l'Université -et non simplement le consumer- et le conseil de l'UFR TES, une instance élue composée de représentants des composantes de l'UFR, enseignants, étudiants et personnels de diverses disciplines.
Il s'agit donc d'une fenêtre institutionnelle ouverte par ceux qui le peuvent à la discrétion de ceux qui souhaitent s'y glisser. Et c'est -nous sommes à Paris VIII tout de même- l'occasion de voir le réveil d'un Golem cher à nos cœurs, ou peut-être ses derniers sursauts : j'ai nommé « le Collectif ».
Comme le Golem, peu importe que le Collectif existe ou non. Qu'il soit n'est déjà pas si mal.

Cette « première » (au XXIe siècle, j'entends) n'est pas tombée à l'eau. Certes, l'on a pu entendre que la cinquantaine de participants ne représentait guère plus qu'elle-même ou que la prédominance de questions propres à la géographie en avaient fait des Assises du Département de Géo.
Historiquement, la géographie pèse lourd dans cette UFR et par voie de conséquence, les débats de ce grand jour du 11 février 2014 ont été fortement impactés par cette asymétrie.

S'y arrêter -et souligner l'absence d'implication d'une éventuelle « majorité silencieuse » : on les connaît, ces mots-là- serait rater l'essentiel : relativement à leur taille, toutes les composantes étaient présentes et l'on peut considérer que 10% des personnes composant cette UFR présentes, en terme de démocratie participative, est déjà un score honorable (selon nos sources les plus compétentes dans le domaine).

De quoi fut-il question ?
De notre place respective au sein de l'UFR au travers de deux thèmes préparés par une équipe volontaire et vivifiante : une réflexion sur la Pédagogie et ses modalités d'une part et d'autre part les buts et les moyens des Formations proposées.

Le mot d'ordre, s'il doit y en avoir un, est la volonté de se doter des moyens de réaliser un travail en bonne intelligence où chacun, selon son désir et ses compétences, pourrait apporter sa pierre à l'édifice. Il semble malheureusement que cette volonté de réaliser un travail collectif, un travail en concertation, n'ait pas encore pleinement été comprise et acceptée. Aujourd'hui, l'absence de Collectif au quotidien et hors de ses formes institutionnalisées est un premier élément d'explication du déséquilibre ambiant, entre un passé mythifié et un futur redouté. Nous ne pouvons que le déplorer. Une si belle initiative, une main tendue pour affronter de sombres heures (selon nos valeurs partagées) ne devrait pas rester sans réponse ! Et ce n'est pas par la radicalisation des antagonismes que nous apporterons cette petite note critique dont Paris 8 fit sa marque de fabrique, à l'institution universitaire.


Voilà pour la métaphysique de l'affaire. Du point de vue concret, cette journée fut très bien organisée par les différents acteurs et si riche qu'elle gagnerait à être répétée (sous cette forme ou une autre).
D'une part, la pertinence des questions posées fut démontrée dans le fait que le temps imparti aux débats n'a pas suffit à les circonscrire. Et d'autre part, la nécessité de ces rencontres a été soulignée par l'apparition de questions plus pratiques que les organisateurs n'attendaient pas mais qui, somme toute, étaient déjà sur toutes les bouches.

La question des incivilités (propres à la Géo, semble-t-il) a ainsi été abordée par les étudiants eux-mêmes. La diversité des parcours individuels consacre la diversité des rapports à l'enseignement proposé. Ceux pour qui la salle de cours n'est qu'une pièce chauffée pourvue d'une animation théâtrale n'ont visiblement pas saisi (eux non plus ?) ce qu'est l'Université, à la différence de nombre de leurs camarades.
Cette journée aura permis de noter qu'une fois encore les généralisations sont trompeuses.

De même, la question de la place des étudiants salariés -l'ambition première de Paris 8, faut-il le rappeler ?- semble se poser de nouveau. La normalisation s'accommodera-t-elle d'une telle excentricité ?

L'affaire est à suivre avec le plus vif intérêt. Car au delà de la question « que va devenir l'Université ? », il en est une plus brûlante encore et tout aussi déterminante pour l'avenir : quelle Université incarnons-nous ?

Mars 2014