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Témoignages de terrain - Comment organiser un stage de terrain ?



Rencontre avec Antoine Da Lage, enseignant de géographie

Quels critères pour le choix du terrain de stage ?

Le terrain dépend du niveau. On ne choisit pas le même terrain pour des L1 (Licence 1ère année), des L3 ou des M2 (Master 2e année). Cela dépend aussi si le stage est directement lié à un EC : par exemple le stage de biogéographie n'est pas le même que celui de fin d'année alors qu'il s'adresse aux mêmes L3. Ensuite ce sont des arguments bassement matériels : la distance, un hébergement au moindre prix etc. A quoi s'ajoute le dépaysement : il faut que ce soit à une centaine de km de Paris pour ne pas avoir l'impression d'être en banlieue. Puis il y a les opportunités. Ainsi les masters 1ère année vont toujours au festival international de géographie à St Dié en novembre et en profitent pour étudier les Vosges : moyenne montagne, parc naturel, désindustrialisation, aménagement, etc.

Une fois qu'on a choisi le terrain, il faut se demander si les questions qu'on a envie de se poser s'y trouvent. Et on constate qu'elles sont partout. Nous partons ce week-end en stage d'intégration à Dunkerque avec les Licence 1. Dunkerque est à 230 km soit seulement 3 heures de car. C'est un terrain très riche d'enseignement : littoral, géographie des marées, géomorphologie littorale avec les dunes, climatologie avec le ciel gris de la mer du Nord, géo du tourisme avec la station balnéaire de Malo-les-Bains, géo culturelle avec « Bienvenue chez les Chtis » : l'identité flamande, la Flandre française pauvre, la Flandre belge riche, la Flandre et la Wallonie mais aussi la géographie urbaine car Dunkerque a été détruite pendant la guerre et reconstruite presque entièrement, l'hydrologie avec les polders, la géo rurale, historique, portuaire avec la mondialisation, ArcelorMittal, la centrale nucléaire de Graveline etc. L'idée est de montrer l'unité de la géographie.

Dans le stage 2013 en Périgord, nous aurons de la géographie urbaine et historique avec les bastides, de la géo humaine avec la paléontologie, de la gastronomie, la Dordogne et ses méandres, le tourisme (Anglais et Hollandais). Avec l'anecdote de cette vieille dame qui vendait sa maison : je suis contente de ne pas vendre à des Anglais après ce qu'ils nous ont fait. Ce qu'ils nous ont fait, c'est la guerre de cent ans !

Le terrain permet aux étudiants de retrouver ce qu'ils ont vu en cours.

Comment organise-t-on des rencontres sur place ? Combien de temps prend la préparation d'un stage de terrain ?

Quand on a des réseaux, ça aide. Ainsi du Larzac où nous avions rencontré J. Bové avant qu'il soit connu. Mais même quand l'endroit est inconnu, il suffit de prendre les pages jaunes. La première année, celle de mon recrutement à Paris 8, j'y ai passé des mois. Le stage était à l'Ile d'Yeu : il fallait chercher les contacts, prendre des RV, ograniser l'hébergement, trouver des réductions sur le prix du bateau, etc. Pour le stage Périgord de 2013, il y a toute la logistique à prévoir, le coût, les voitures : ça prendra du temps.

Le plus important est de trouver l'hébergement. Il faut qu'il soit central par rapport aux endroits à étudier pour ne pas faire des km sur place. Quand le terrain et l'hébergement sont déjà connus, le stage peut être préparé à la dernière minute tel celui de Bourgogne en 2011. Ou celui de Dunkerque ! Il n'est absolument pas prêt ; on s'en va mardi... On reprendra une partie de ce qu'on faisait les années précédentes, on ajoutera une étape dans le pays minier.
Il faut aussi se mettre d'accord entre collègues sur le programme et savoir rester souples. Etre en salle à écouter le maire alors qu'il fait grand soleil dehors est dommage. S'il fait un temps pourri, on s'adapte. Si on obtient un rendez-vous passionnant, on fait sauter l'étape suivante ou on subdivise le groupe. Cette souplesse d'adaptation n'est pas toujours évidente entre collègues.

Le bénéfice pour les étudiants est-il visible ?
Sur le moment, il est très difficile de s'en rendre compte. L'autre jour, des étudiants de L2 qui passent en L3 m'ont fait remarquer qu'ils étaient de la petite bande de Dunkerque. Ils ne se connaissaient pas, ils avaient pris contact lors de ce premier stage, ils sont restés soudés. Avec le risque de former un petit noyau. Ce sont de bons étudiants mais est-ce qu'ils étaient déjà motivés d'où leur inscription au stage pour autre chose que mettre les pieds sur le sable, on ne peut pas savoir. Je suis persuadé que le stage provoque un déclic même si le résultat n'est pas visible par les enseignants. Le rôle du stage d'intégration, qui est sans doute le dernier que nous faisons puisqu'il n'y a plus de sous de l'aide à la réussite, est important pour que les lycéens qui viennent de partout se repèrent et dès le premier cours, retrouvent quelques têtes connues.

Octobre 2012