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Rencontre avec Véronique Navet, urbaniste

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Véronique Navet, je suis urbaniste de formation et directrice de projet à l’Agence Ruelle. Avec une petite équipe, je réalise des opérations pré-opérationnelles et opérationnelles d’aménagement. Je suis des projets dans toute la France mais particulièrement en Île de France, proche et lointaine banlieues parisiennes. En ce qui concerne mon parcours, j’ai d’abord effectué l’équivalent d’un Master de recherche à Paris 1. Après m’être inscrite en doctorat, j’ai décidé de partir au Brésil faire de la recherche sur la promotion d’opérations immobilières. Après plusieurs années, je suis revenue en France et sur les conseils d’un ami, je suis rentrée en DESS (équivalent d’un Master professionnalisant) d’urbanisme à Paris 8 où était situé à l’époque l’Institut français d’Urbanisme. J’ai vraiment accroché au projet urbain. Deux ans plus tard, j’obtenais mon diplôme.

A-t-il été difficile de trouver du travail à la fin de vos études ?
Pas vraiment. J’ai quand même connu une période de chômage à la fin de mes études pendant un peu moins d’un an. A cette époque, c’était le début d’une énorme crise immobilière, un peu comme on en a connu en 2008. J’ai ensuite été contactée par un de mes anciens professeur de l’IFU et nous avons collaboré quelques années sur des projets de renouvellement urbain. Quelques années plus tard, J’ai pris des parts dans l’Agence Ruelle. Tous mes camarades de l’université ont trouvé du travail après leurs études et assez rapidement.



Pouvez-vous nous parler d’un des projets que vous avez réalisés ?
Le projet de renouvellement urbain du Grand Ensemble d’Orly est un projet que je suis depuis plus de dix ans maintenant puisque l’agence a remporté l’appel d’offre en 2004. Au départ, c’est un quartier qui ne vivait pas très bien, qui ne répondait plus aux exigences urbaines d’aujourd’hui. 1 300 logements, des hautes barres de 250 logements chacune, des espaces publiques quasiment inexistants, une succession de quartiers reliés par des voies secondaires avec des parking extérieurs, ce qui posait des problèmes de desserte, d’accès aux halls d’immeuble, d’accès pour les pompiers. Il fallait donc « réparer » le quartier, le rendre plus attractif. On commence donc par faire les études pré-opérationnelles en amont pour établir un diagnostic. Vient ensuite le dessin du projet et pour finir son suivi. C’est donc une opération longue et de grande ampleur, une restructuration complète d’un très grand ensemble composé uniquement d’habitats sociaux : la question s’est posée de la destruction de logements et de la diversification de l’offre de logement. Il faut savoir ce que l’on reconstruit, comment et pour qui. Il y a eu aussi la création d’espaces publics, de voirie aussi qui n’existait pas. Tout cela représente beaucoup de travail surtout pendant la phase de préparation du projet.

Collaborez-vous avec des personnes de profession différente pour réaliser vos projets ?
Oui, tous les jours. A l’agence pour laquelle je travaille, il y a des urbanistes comme moi mais aussi des architectes et des paysagistes. Mais ce n’est pas tout, sur tous nos projets ils nous arrivent fréquemment de faire appel à des spécialistes qui nous apporte un savoir que nous n’avons pas. Je reprends l’exemple du Grand Ensemble d’Orly où il a fallu augmenter la qualité de l’espace public et donc améliorer l’offre d’équipement ou le repositionnement des commerces. Pour ce faire, l’agence a collaboré avec des spécialistes en commerce ou en déplacement pour mener à bien le projet.

Quelles difficultés rencontrez-vous le plus fréquemment dans ce métier ?
Des difficultés économiques bien sûr : de nos jours tous les secteurs sont touchés. La concurrence des autres agences aussi car pour réaliser un projet, il faut remporter un appel d’offres et peu importe la renommée de l’agence, au moment de l’appel d’offre tout le monde est soumis aux mêmes règles. Il est donc assez difficile de sortir du lot même face à des très jeunes agences.

Pensez-vous que votre parcours universitaire vous a bien préparée à faire face à ces difficultés ?
Je pense que le parcours universitaire n’est pas fait pour aider à la pratique d’un métier. L’université te forme à une manière de penser, à une rigueur intellectuelle, ce qui est très utile quand il faut répondre aux problématiques auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement. Mais nous sommes dans un secteur où les métiers évoluent sans cesse, il y en a même des nouveaux qui se créent, les règles changent, les attentes aussi. Ce que nous a appris l’université il y a 10 ou 20 ans devient vite obsolète finalement. Par exemple, quand j’étais étudiante, toutes les précautions environnementales très présentes aujourd’hui n’existaient pas. Tout ce qu’on a appris sur le logement, sur la famille, sur l’organisation sociale est à revoir en permanence. On parle de projet de société, une société qui a énormément changé depuis mes années d’études. C’est flagrant. Après l’obtention de mes diplômes, j’ai commencé à travailler sur des projets présentés à l’époque comme le top du top en terme d’urbanisme et aujourd’hui, c’est dans ces même quartiers que j’interviens car le quartier ne fonctionne plus. Au final, on réapprend notre métier tous les jours.

Quelles sont les compétences requises pour exercer votre métier ?
L’esprit d’équipe, forcement. Il faut être ouvert, accepter l’aide et les avis extérieurs car tout seul on ne va pas bien loin. Il faut être patient car les projets sont long, être capable de s’adapter à la demande, à la situation économique, aux règles d’urbanisme etc.

Est-il difficile de travailler en équipe ?
Ce n’est pas rien effectivement. Il faut bien se rendre compte que nos projets prennent énormément de temps et de place dans nos vies. Il y a forcément une complicité, une complémentarité qui se créent au fil des années. Il ne faut pas forcement s’entendre sur tout, justement il faut être différents pour être complémentaires ; le but est d’associer nos compétences pour mener à bien le projet.

Avez-vous des conseils pour les étudiants de géographie ?
Je pense qu’il faut faire des stages, un maximum. Si vous en avez l’occasion, partir en Erasmus peut être une expérience enrichissante surtout pour les métiers de l’aménagement. Un autre conseil que je pourrais donner, c’est de ne pas trop se préoccuper de ce que sera votre futur métier mais plutôt déterminer ce qui vous intéresse vraiment dans la géographie. A l’époque ou j’étais étudiante, je ne savais même pas que les métiers de l’urbanisme existaient. Il existe une multitude de métiers en rapport avec la géographie ; je pense qu’il faut choisir une direction pendant ses études et laisser les opportunités s’offrir a vous par le biais d’un stage, d’un voyage ou d’une rencontre.

Interview réalisée par Manuel Gomez, 2016