Cartothèque - collections - les dons de cartes
Les dons sont une question délicate dans les bibliothèques et cartothèques. Bien sûr, on peut applaudir à l'idée d'enrichir ses collections mais que signifie enrichir ?
De 2007 à 2009, la cartothèque a reçu et traité entre 1000 et 1500 titres de dons chaque année. Un titre englobant plusieurs exemplaires, nous avons manipulé (tamponné, catalogué et rangé) jusqu'à 2300 dons annuels en 2008. Après 2 années plus tranquilles (moyenne de 300 titres et 500 exemplaires par an), 2012 fut une nouvelle année record. Nous avions en effet reçu des dons de l'Institut de Géographie Alpine (IGA) et de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale.
Que contiennent souvent les dons ?
Des feuilles qui s'inscrivent dans l'histoire de la cartographie française. En voici les grandes lignes en commençant par les feuilles de la Carte d'Etat-Major au 1:80 000, type 1889. L'excellent Guide des cartes anciennes de L. Costa et S. Robert (éditions Errance, 2008) nous apprend que cette série a été publiée entre 1889 et 1898. Elle reprend la Carte d'Etat-Major au 1:80 000 éditée de 1818 à 1878 mais la rend plus lisible en l'agrandissant (par la photographie). Elle met aussi à jour les évolutions du paysage. Chaque feuille représente un quart de la carte initiale, est en noir et blanc, utilise les hachures et donne une impression d'extrême densité d'informations.
Ajoutons que la carte d'Etat-Major a été gravée à partir des dessins-minutes au 1:40 000 effectués au début du XIXe siècle. Or ceux-ci sont consultables parmi la couche des cartes du Géoportail.
La carte d'Etat-Major monochrome au 1:80 000 peut être achetée à l'IGN (impression en taille douce) à l'IGN.
Après la carte d'Etat-Major et ses avatars, une nouvelle cartographie de la France au 1:20 000 et 1:50 000 a été décidée en 1922 d'où son nom de Type 1922. On la retrouve en partie sur le Géoportail sous l'intitulé Cartes 1950, qui mêle la légende du Type 1922 à la légende du Type M (couleur).
Le Type 1922 au 1:50 000 est devenu la Série orange en 1976. Cette carte topographique sans hachure (plus lisible donc) fut longtemps LA carte d'étude en géographie. Nous en avons 80 tiroirs horizontaux et 6 meubles à cartes verticaux pleins à craquer...
Seulement, la série orange papier n'est plus éditée et sans mise à jour est en train de subir le sort de la carte d'Etat-Major. Pour l'instant, elle n'est pas disponible sur le Géoportail.
La Carte topographique au 1:25 000 éditée depuis 1976 est toujours vendue sous format papier. Carte touristique et grand public, elle sera tôt ou tard abandonnée, les données numériques remplaçant peu à peu les cartes papier. Sur le Géoportail, Carte topographique IGN et Cartes IGN classiques présentent deux types de légende propre au 1:25 000 mais seules les données les plus récentes sont concernées. Il n'est pas possible d'afficher une carte ancienne de cette série.
Il faut aussi comprendre que toutes les couches de cartes du Géoportail suppriment le découpage lié à l'impression des feuilles papier. Sur le Géoportail, la France est présentée d'un seul bloc. Malgré leurs nombreux atouts, les données numériques ne remplacent donc pas les feuilles papier. Celles-ci sont plus faciles à manipuler et étudier dans le cadre d'un cours de lecture et commentaire de cartes.
Pour quelles raisons accepter les dons ?
Avant d'ajouter une feuille à son fonds de cartes, il est nécessaire de considérer les dons dans ce contexte cartographique sans oublier le contexte pédagogique. Par exemple, combien d'exemplaires de la même feuille faut-il accepter ? Cette nouvelle feuille est-elle intéressante pour comparer le lieu cartographié à d'autres de dates différentes (étude diachronique) ? Pour compléter une même série portant sur un espace géographique incomplet ? La feuille est-elle utile par elle-même ou par son contenu ?
Plus généralement, voici quelques interrogations légitimes par rapport à la mission d'une cartothèque et à la notion d'enrichissement des collections. Doit-on...
Ranger le tout dans des tiroirs qui ne seront plus jamais ouverts et se satisfaire d'avoir un nombre à 3 ou mieux 4 chiffres dans les statistiques annuelles d'accroissement des collections ?
Boucher les trous dans les collections et se réjouir d'avoir un exemplaire de Felletin ?
Se grossir telle la grenouille de la fable pour devenir la plus importante cartothèque de France en oubliant que jamais la grenouille n'égalera le bœuf Département des cartes et plans de la BNF avec ses millions de cartes ?
Masquer son incapacité à refuser un don parce que si l'enseignant dit que c'est utile, qui est-on, humble membre du personnel, pour s'opposer et lui suggérer non seulement de reprendre ses vieilles cartes de randonnées allemandes des années 50 ?
Nier qu'être paralysé à l'idée de jeter les lambeaux du 50e exemplaire de la carte de Houdan nécessiterait de suivre une thérapie ?
Faire comme on a toujours fait sans se poser de questions et la cartothèque étant l'endroit où se rangent les cartes, accepter tout et n'importe quoi en se félicitant de sa conscience professionnelle ?
Il y a d'autres raisons et toutes interviennent plus ou moins quand on accepte un don. Cependant, il est important de réfléchir aux conséquences. Ces documents, il faut les trier, les intégrer dans le catalogue, les tamponner, les équiper si nécessaire et enfin les ranger. Cela prend du temps et de la place, cela a un coût. Ce coût est à rapporter à l'utilité et celle-ci n'apparaît pas toujours. Alors il faut aller plus loin, prouver cette utilité et prendre le temps, la place et l'argent d'exposer, d'afficher, de parler (tu as vu, j'ai 10 exemplaires de Paimboeuf de 1984 ?), bref, de faire de la com' autour du don. Sauf que le don n'est généralement pas le plus intéressant de la cartothèque, que les enseignants et lecteurs ont peu d'attention à accorder et que la gâcher en leur présentant des vieilleries alors qu'on a acheté des manuels de commentaires de cartes et des atlas tout neufs n'est pas judicieux...
Bref, accepter un don implique d'être clair sur les raisons de dire oui et les conséquences. Par exemple, si l'on pense que la géographie est une discipline d'avenir, que les étudiants vont revenir en foule, que la carte papier reste le coeur de l'enseignement de la géo, alors deux fois oui à compléter sa collection de cartes topos. Cependant, on peut aussi accepter des dons malgré le numérique et la désaffection, malgré l'éparpillement des spécialités dont aucune n'a plus vraiment besoin de cartes papier, juste pour la beauté des cartes et donc leur conservation.
Les dons sont une question délicate dans les bibliothèques et cartothèques. Bien sûr, on peut applaudir à l'idée d'enrichir ses collections mais que signifie enrichir ?
De 2007 à 2009, la cartothèque a reçu et traité entre 1000 et 1500 titres de dons chaque année. Un titre englobant plusieurs exemplaires, nous avons manipulé (tamponné, catalogué et rangé) jusqu'à 2300 dons annuels en 2008. Après 2 années plus tranquilles (moyenne de 300 titres et 500 exemplaires par an), 2012 fut une nouvelle année record. Nous avions en effet reçu des dons de l'Institut de Géographie Alpine (IGA) et de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale.
Que contiennent souvent les dons ?
Des feuilles qui s'inscrivent dans l'histoire de la cartographie française. En voici les grandes lignes en commençant par les feuilles de la Carte d'Etat-Major au 1:80 000, type 1889. L'excellent Guide des cartes anciennes de L. Costa et S. Robert (éditions Errance, 2008) nous apprend que cette série a été publiée entre 1889 et 1898. Elle reprend la Carte d'Etat-Major au 1:80 000 éditée de 1818 à 1878 mais la rend plus lisible en l'agrandissant (par la photographie). Elle met aussi à jour les évolutions du paysage. Chaque feuille représente un quart de la carte initiale, est en noir et blanc, utilise les hachures et donne une impression d'extrême densité d'informations.
Ajoutons que la carte d'Etat-Major a été gravée à partir des dessins-minutes au 1:40 000 effectués au début du XIXe siècle. Or ceux-ci sont consultables parmi la couche des cartes du Géoportail.
La carte d'Etat-Major monochrome au 1:80 000 peut être achetée à l'IGN (impression en taille douce) à l'IGN.
Après la carte d'Etat-Major et ses avatars, une nouvelle cartographie de la France au 1:20 000 et 1:50 000 a été décidée en 1922 d'où son nom de Type 1922. On la retrouve en partie sur le Géoportail sous l'intitulé Cartes 1950, qui mêle la légende du Type 1922 à la légende du Type M (couleur).
Le Type 1922 au 1:50 000 est devenu la Série orange en 1976. Cette carte topographique sans hachure (plus lisible donc) fut longtemps LA carte d'étude en géographie. Nous en avons 80 tiroirs horizontaux et 6 meubles à cartes verticaux pleins à craquer...
Seulement, la série orange papier n'est plus éditée et sans mise à jour est en train de subir le sort de la carte d'Etat-Major. Pour l'instant, elle n'est pas disponible sur le Géoportail.
La Carte topographique au 1:25 000 éditée depuis 1976 est toujours vendue sous format papier. Carte touristique et grand public, elle sera tôt ou tard abandonnée, les données numériques remplaçant peu à peu les cartes papier. Sur le Géoportail, Carte topographique IGN et Cartes IGN classiques présentent deux types de légende propre au 1:25 000 mais seules les données les plus récentes sont concernées. Il n'est pas possible d'afficher une carte ancienne de cette série.
Il faut aussi comprendre que toutes les couches de cartes du Géoportail suppriment le découpage lié à l'impression des feuilles papier. Sur le Géoportail, la France est présentée d'un seul bloc. Malgré leurs nombreux atouts, les données numériques ne remplacent donc pas les feuilles papier. Celles-ci sont plus faciles à manipuler et étudier dans le cadre d'un cours de lecture et commentaire de cartes.
Pour quelles raisons accepter les dons ?
Avant d'ajouter une feuille à son fonds de cartes, il est nécessaire de considérer les dons dans ce contexte cartographique sans oublier le contexte pédagogique. Par exemple, combien d'exemplaires de la même feuille faut-il accepter ? Cette nouvelle feuille est-elle intéressante pour comparer le lieu cartographié à d'autres de dates différentes (étude diachronique) ? Pour compléter une même série portant sur un espace géographique incomplet ? La feuille est-elle utile par elle-même ou par son contenu ?
Plus généralement, voici quelques interrogations légitimes par rapport à la mission d'une cartothèque et à la notion d'enrichissement des collections. Doit-on...
Ranger le tout dans des tiroirs qui ne seront plus jamais ouverts et se satisfaire d'avoir un nombre à 3 ou mieux 4 chiffres dans les statistiques annuelles d'accroissement des collections ?
Boucher les trous dans les collections et se réjouir d'avoir un exemplaire de Felletin ?
Se grossir telle la grenouille de la fable pour devenir la plus importante cartothèque de France en oubliant que jamais la grenouille n'égalera le bœuf Département des cartes et plans de la BNF avec ses millions de cartes ?
Masquer son incapacité à refuser un don parce que si l'enseignant dit que c'est utile, qui est-on, humble membre du personnel, pour s'opposer et lui suggérer non seulement de reprendre ses vieilles cartes de randonnées allemandes des années 50 ?
Nier qu'être paralysé à l'idée de jeter les lambeaux du 50e exemplaire de la carte de Houdan nécessiterait de suivre une thérapie ?
Faire comme on a toujours fait sans se poser de questions et la cartothèque étant l'endroit où se rangent les cartes, accepter tout et n'importe quoi en se félicitant de sa conscience professionnelle ?
Il y a d'autres raisons et toutes interviennent plus ou moins quand on accepte un don. Cependant, il est important de réfléchir aux conséquences. Ces documents, il faut les trier, les intégrer dans le catalogue, les tamponner, les équiper si nécessaire et enfin les ranger. Cela prend du temps et de la place, cela a un coût. Ce coût est à rapporter à l'utilité et celle-ci n'apparaît pas toujours. Alors il faut aller plus loin, prouver cette utilité et prendre le temps, la place et l'argent d'exposer, d'afficher, de parler (tu as vu, j'ai 10 exemplaires de Paimboeuf de 1984 ?), bref, de faire de la com' autour du don. Sauf que le don n'est généralement pas le plus intéressant de la cartothèque, que les enseignants et lecteurs ont peu d'attention à accorder et que la gâcher en leur présentant des vieilleries alors qu'on a acheté des manuels de commentaires de cartes et des atlas tout neufs n'est pas judicieux...
Bref, accepter un don implique d'être clair sur les raisons de dire oui et les conséquences. Par exemple, si l'on pense que la géographie est une discipline d'avenir, que les étudiants vont revenir en foule, que la carte papier reste le coeur de l'enseignement de la géo, alors deux fois oui à compléter sa collection de cartes topos. Cependant, on peut aussi accepter des dons malgré le numérique et la désaffection, malgré l'éparpillement des spécialités dont aucune n'a plus vraiment besoin de cartes papier, juste pour la beauté des cartes et donc leur conservation.
Dernière mise à jour : 2021
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